Les statues de la Vierge à l'Enfant et la statue de Sainte Anne
A quelles symboliques se rapportent-elles ?

Voici les trois statues qui font notamment la particularité de Palairac : les Vierges tenant une petite boule de la main droite et Sainte Anne un gros anneau. Cette bille est particulièrement bien visible sur la première Vierge à l'Enfant se touvant à l'entrée de la chapelle Saint Roch (photo de gauche). Cette caractéristique est très rare, pour ne pas dire unique : aucune autre Vierge n'a, pour l'instant, été trouvée ailleurs avec ce détail surprenant. Il ne devrait toutefois pas être unique puisque Palairac semble posséder deux Vierges avec ce détail.






Sainte Anne (3ème photo ci-dessus).
Comme le dit la description de la page consacrée à la chapelle de la Vierge, Sainte Anne apparaît sous les traits d'une femme d'âge avancé, enceinte, tenant un livre fermé de la main gauche et présentant sa main droite levée en montrant l'anneau qu'elle tient entre le pouce et l'index. L'artiste a représenté un petit ventre, a fait apparaître le nombril et les mamelons sous la robe, a placé la ceinture en haut du ventre sous la poitrine. Tout cela marque sa volonté de montrer une femme enceinte.
Ce récit du moyen-âge donne la version sur laquelle beaucoup de représentations de Sainte Anne et de Joachim sont basées, le mystère de leur rencontre énigmatique menant à la conception de Marie. Le texte parle de conception surnaturelle, mais en faisant intervenir les deux époux. En supposant que ces personnages aient bien existé, ce qui est bien peu probable, on peut penser que Joachim fut bien le père "biologique" de la Vierge même si l'Eglise promulgue le dogme du mystère de sa conception.
Sainte Anne Catherine Emmerich, dans ses visions, apporte des précisions et une autre version sur la pureté sans tache de la Vierge et le rôle de ses parents.

Cela explique pourquoi Marie est appelée l'Immaculée Conception. Ce dogme a été promulgué par l'Eglise en 1854. On peut s'étonner de la promiscuité entre cette promulgation du dogme et les visions d'Anne Catherine Emmerich, parues la première fois quelques années auparavant... Voilà pourquoi, aussi, on fête l'Assomption de la Vierge : n'ayant pas subi le péché originel, elle n'a pas suivi le cycle de tous les hommes déterminé par la mort. Elle "monta au ciel".
Qu'on y croit ou pas, tous ces récits, canoniques ou apocryphes, ont été à la base encore une fois de la grande majorité des iconographies religieuses associées.
Beaucoup de peintures ou de sculptures représentent Saint Anne en train d'instruire sa fille. Cloisonnée au Temple, Anne se chargeait de son éducation. Ces oeuvres d'art montrent un livre ouvert, support de cette éducation. Sainte Anne, à Palairac, est représentée avec un livre fermé dans sa main gauche, la Vierge n'étant pas encore née.
De la main droite Anne montre une alliance. Enceinte, elle est à l'origine de celle qui enfantera l'instaurateur de la Nouvelle Alliance. L'anneau est par conséquent un symbole de cette nouvelle Alliance.
La fresque du retable de Saint Roch présente les deux Alliances passées avec l'Eternel : l'Ancienne, représentée par les Tables de la Loi, dont Anne et Joachim sont les derniers représentants, et la Nouvelle, représentée par le Calice, instaurée par Marie et son Fils.
La disposition des statues dans l'église de Palairac au début du vingtième siècle était différente de celle qu'on peut voir aujourd'hui. Après la séparation de l'Eglise et de l'Etat, des inventaires ont été faits dans les communes. Certes faits par des laïcs, pas toujours bien au courant, parfois aidés par les écclésiastiques, ces inventaires dressent la liste des mobiliers du ressort de la Commune.

Les supports de ces statues existent encore dans la nef à l'endroit cité par l'inventaire. Ils sont ornés chacun d'un coeur (voir photo ci-contre). L'arc doubleau, séparant la nef du transept, repésenterait la porte du Temple, lieu de rencontre d'Anne et Joachim.
Les inventaires se sont pas exempts d'imprécisions : le curé étant absent pendant celui de 1906, les personnes présentes n'arrivent pas à identifier Saint Jean Baptiste...
La dispositon des éléments d'une église devait respecter certains principes autrefois, dont on ne tient plus compte aujourd'hui, notamment la place de la chapelle de la Vierge qui doit être au Nord. A Palairac, située au Sud, celle-ci n'est pas à sa place normale. Il est à noter que ce phénomène se rencontre assez souvent dans le Sud la France. Quelqu'un, peut-être depuis la création de l'église, a voulu qu'il en soit ainsi. Mettre une chapelle Saint Roch au Nord a une raison. Il est difficile de la trouver dans ces règles religieuses.
Le lecteur doit comprendre, entre autres, les usages anciens dictés par la Sainte Trinité : Dieu le Père, le Fils et le Saint Esprit. Le choeur de l'église est Sa Demeure. Dieu le Père est au centre, en haut au-dessus du maître-autel et du Tabernacle. Son Fils est à sa droite, c-à-d à gauche quand on regarde le maître-autel depuis la nef. Le Saint Esprit enfin est à sa gauche, soit à droite du maître-autel, vu depuis la nef.
Ce côté droit, vu depuis la nef, est le côté Epitres : Ecritures issues des apôtres qui ont reçu l'Esprit Saint à la Pentecôte. Le côté gauche en regardant l'autel, à la droite du Père, est le côté Evangiles : Ecritures issues de la parole et/ou des actes du Christ.
La statue de Saint Saturnin est à droite de l'autel, côté Epitres. La parole et les actes de ce Saint sont issues de l'Esprit Saint, reçu par l'évêque dans la plénitude du Sacerdoce. La statue de Jean Baptiste est à gauche, côté Evangiles. Il se rapporte à l'acte de baptème du Christ et la parole d'évangile dans Jean I,29 : "Voici l'agneau de Dieu, qui enlève le péché du monde".
Autrefois les lectures des Ecritures étaient faites d'un côté ou de l'autre du maître-autel selon qu'il s'agissait des évangiles ou des épitres et des actes des apôtres.
Le livre est un support d'une connaissance par l'usage du langage. Un livre fermé recèle entre ses pages, sur un support physique et de manière potentielle, cette connaissance qui ne s'exprime qu'au moyen de la lecture, c-à-d un travail de l'esprit. La lecture libère ainsi l'autre esprit enclos dans l'écriture des pages. Elle en sort la quintessence. Ouvrir le livre et le lire correspond à la libération de l'esprit du livre. Le livre fermé désigne une matière contenant potentiellement une partie spirituelle. C'est la matière brute. Ouvrir le livre c'est ouvrir la matière pour ensuite en libérer l'esprit grâce à une substance spirituelle. C'est le rôle d'Anne. Finalement, la couleur rouge et or de ses vêtements indique que la quintessence est extraite du livre fermé. Elle scelle l'alliance nouvelle du composé, c-à-d la nouvelle combinaison de ses divers constituants, dont l'ancienne alliance marque l'état combinatoire premier au sortir de la mine, représenté par le livre fermé. La montée en ménisque du liquide supérieur, rouge en masse (qui ressemble à un cachet), sur les bords du vase fait apparaître une couronne de couleur or par transparence, ou anneau du sceau de la nouvelle alliance.
Certes le délire interprétatif permet toujours d'arriver à ses fins... et cette interprétation n'est probablement qu'un jeu d'esprit.
Les statues des Vierges (deux premières photos en haut de page).
Il est assez étonnant pour une toute petite église d'avoir deux statues de la Vierge à l'Enfant, complétées d'une troisième si on considère la peinture du maître-autel. Celle de la chapelle Sud, étrangement associée à la Vierge, se trouve dans une chapelle qui lui est dédiée. Elle s'intègre dans une niche de facture probablement récente. En effet, fin XIXème, en 1889, le curé Escaffre a purement et simplement éliminé le retable en bois doré qui ornait cette chapelle, "tant il était vermoulu". On trouve encore les supports maçonnés de ce retable de part et d'autre de l'autel. La statue de Sainte Anne est posée sur le support de droite. La niche a certainement été créée à cette époque. L'inventaire de 1906 cite la présence d'une statue de Vierge à l'enfant au-dessus d'un autel. Il y a de fortes chances pour que ce soit celle qu'on voit aujourd'hui. A moins que la Vierge de ce retable ne soit l'autre Vierge de l'église ou encore une autre qui aurait disparu. Voici une anecdote qui va dans ce sens :
En bois peint polychrome, la statue de la niche est probablement la statue la plus ancienne de l'église (2ème photo). Assurément du XVIIème (elle est creuse), sa facture est assez naïve. Le bras droit de l'enfant Jésus n'est pas celui d'origine : c'est en fait un bras gauche !
La Vierge semble avoir aussi entre les doigts de sa main droite une petite boule, comme vous pouvez le constater sur la photographie au début de cette page. A moins que ce ne soit une partie circulaire de l'index manquant.
On trouve souvent dans les églises des Vierges avec le pouce et l'index joints, formant ainsi un cercle avec ces deux doigts. Assez souvent un objet, qui a disparu, était tenu dans cet "anneau", un sceptre par exemple quand une vierge est couronnée ou encore une fleur de Lys pour certaines. D'autres fois le geste ne correspond à aucun maintient d'objet. Certains voient alors une posture de la main qui correspond à un mudra des philosophies orientales, le Jnana mudra (jnana=connaissance). Quand les doigts ne sont pas joints, la Vierge pouvait tenir un Rosaire (chapelet) qu'on passait par l'espace dégagé.

Le geste d'au moins une des deux Vierges de Palairac ne rentre pas dans ces différents types et correspond à la mise en avant d'une petite boule, partie intégrante de la statue et ne constituant pas une partie de chapelet, qui passe facilement inaperçue si l'on est pas attentif. Cette Vierge (1ère photo en haut), actuellement sous la retombée Est de l'arc ouvrant la chapelle Saint-Roch, est d'une facture très fine et date probablement du début XVIIIème. Sa place est singulière : pas dans la chapelle de la Vierge (au Sud) et pas tout-à-fait au Nord comme elle devrait l'être. Toutefois si on considère tout le côté gauche (Evangiles) du choeur et de la chapelle Nord comme un ensemble à symbolique autre que religieuse, la position de cette Vierge, et de chaque élément de l'ensemble, devient cohérente. Elle rétablit aussi l'affectation traditionnelle de la Vierge au Nord.
L'ensemble considéré commencerait avec la statue de Saint Jean Baptiste désignant d'un doigt le mouton qui le regarde. En montrant ainsi sa toison (*), il nous dit "celui-ci est l'agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde". Le monde est la petite bille entre les doigts de la Vierge, véritable petit microcosme. Les péchés sont les salissures, les impuretés ou encore la lèpre de cette bille. La toison contient l'agent de base qui va permettre de laver cette noirceur de la matière. La Vierge à la bille indique la matière à blanchir et à rougir, ainsi que sa préparation et celle de l'agent. Saint Roch, guéri de sa lèpre par un ange c-à-d un "esprit", en montrant sa cuisse, évoque cette cuisson nettoyante du "saint roc" pour atteindre, d'abord, la rose de couleur blanche, issue de la conjonction initiale et la cuisson parfaite des trois corps vivants (les trois coeurs des caissons), puis celle de couleur rouge par teinture de la rose blanche avec la quintessence. Les multiplications terminent l'ouvrage tout en haut.
Tout le travail se ferait à l'abri de la lumière, orienté au nord, sauf à une époque de l'année où, tourné vers l'Est, un rayon de soleil crève la matière, qui se putréfie en expurgeant son sang vital, agent de la cuisson au rouge. Ce serait la raison initiale de la présence de cette petite fenêtre percée dans l'abside, derrière le retable du maître-autel.
Le chrétien essayera de voir dans cette bille la représentation d'une très grosse perle, issue de la coquille couvre-chef... La Vierge est effectivement pure comme une perle. D'une manière générale, la perle est un symbole féminin, virginal et maternel, associé à l'Eau. Pour toutes ces raisons on l'associe à Marie. Elle peut désigner aussi la conception virginale de Jésus : être enceinte du Christ tout en étant toujours vierge. Saint Ephrem l'utilise pour illustrer l'Immaculée Conception, mais aussi la naissance spirituelle du Christ, lors de son baptème (Dictionnaire des symboles, Chevalier et Gheerbrant). Origène associe aussi la perle au Christ : la Vierge est alors la coquille génératrice de la perle. Le globe crucifère, symbole de royauté, est ici un symbole qui marque la divinité. Il désigne aussi la Terre ou Monde dans lequel nous vivons. La petite boule est dès lors aussi l'expression d'un "petit" monde. Ainsi, on peut voir dans cette petite boule la "noix de Galle" ou galle du chêne, véritable petit microcosme attaché au monde végétal et représentatif du phénomène de parthénogenèse.
Enfin, il est très important de préciser que Jacob Böhme, inspiré par l'Alchimie, identifie à une perle la Sophia Céleste incarnée dans Marie et il est tout-à-fait possible de trouver là l'origine de cette "bille" représentée à Palairac.
Mais dans le cadre des explications religieuses que vient faire le support conique orné de feuilles de chêne ou encore le geste inattendu de l'enfant Jésus du bras droit ? Comment tirer une unité d'ensemble en se cantonnant à ce seul domaine ? Nous retrouvons le même genre de problème dans la fresque avec la boule rouge et les projections rouges associées.
Au risque de déplaire à certains, seule une interprétation alchimique de la Vierge à la bille, associée à la philosophie de Jacob Böhme, semble montrer une cohérence dans la symbolique représentée, compte-tenu des contextes métallurgique et historique concernés.
Cependant, toutes ces interpétations, religieuses ou pas, ne s'exclueraient pas, mais révèleraient la puissance du symbole par son ambivalence. Nous ne sommes pas ici dans le domaine des mathématiques ou de la physique, où les correspondances entre sigles et objets sont univoques et guidées par la logique la plus rationnelle.
Dans le langage symbolique, la multiplicité simultanée exciterait des régions différentes de notre cerveau auxquelles la pensée rationnelle ne ferait pas appel. "Par ces choses se feraient les miracles d'une seule chose". ;-)
Notes :
(*) "Saint Graal" est très proche de "Suint Gras" :-) ... A l'instar des cendres de certains végétaux, on tirait autrefois du suint gras de la laine de mouton ce que nous appelons aujourd'hui le "carbonate de potassium" qui rentrait dans la composition des lessives. Traité à la chaux vive, il donnait de la potasse caustique qui servait, mêlée aux corps gras, à fabriquer les savons.
