Visite des rois de France et de Majorque

Des traités de Carcassonne et de Palairac des 17 et 18 Août 1283 entre Jacques de Majorque et Philippe le Hardi

Palairac : une contrepartie de Philippe le Hardi ?



Jacques II
Le 18 Août 1283, Philippe le Hardi, Roi de France, et Jacques II, Roi de Majorque, signèrent à Palairac un traité concernant la baronnie de Montpellier.
La veille à Carcassonne, les deux souverains signaient un autre traité se rapportant à l'invasion de l'Aragon.
Pourquoi avoir choisi de venir à Palairac pour le second traité, à 60 km de Carcassonne, difficile d'accès, au château sans importance, alors qu'une signature, la veille à Carcassonne ou tout simplement en restant dans cette ville, eut été plus facile ?

Cette page tente de trouver la raison de ces visites royales.

Philippe le Hardi

Le contexte historique des deux traités

Les deux traités faisant intervenir divers personnages de la fin du XIIIème siècle, il est nécessaire de présenter ceux-ci dans leur fonction et rapport les uns avec les autres.
Louis IX, Saint Louis, lance la huitième et dernière croisade à partir d'Aigues-Mortes le 2 juillet 1270. Après avoir pris Carthage, il attend en vain les renforts de son frère Charles d'Anjou pour attaquer Tunis. La dysenterie l'atteint et il meurt le 25 Août. Une bonne partie de son armée subira le même sort. Charles d'Anjou, arrivé trop tard, réussit cependant à négocier une trève de 10 ans avec les Maures et traite à son avantage pour la Sicile, dont il est le roi depuis 1266. Philippe le Hardi, le fils de Louis IX, ramène la dépouille (os et coeur) de son père par un long voyage qui se termine en mai 1271. Charles d'Anjou, roi de Naple et de Sicile reçoit, en 1278, le titre fictif de Roi de Jérusalem. En 1276 meurt Jacques I d'Aragon dit le conquérant, père d'Isabelle, première épouse de Philippe le Hardi. Son second fils Jacques reçoit le royaume de Majorque, composé des Baléares, les Comtés du Roussillon et de Cerdagne et la seigneurie de Montpellier. Il règnera sous le nom de Jacques II de Majorque (on le désigne aussi par Jacques I de Majorque, son père "le conquérant" étant roi d'Aragon). Le fils ainé, Pierre, reçoit les royaumes d'Aragon et de Valence et le comté de Barcelone. Il règnera sous le titre de Pierre III d'Aragon. Frères ennemis, en 1279, Pierre III fait irruption dans le Roussillon et, chez les Frères Prêcheurs, oblige Jacques, humilié, à se reconnaître son vassal. A la faveur d'un soulèvement des habitants de la Sicile en 1282, appelé les "Vèpres siciliennes", dirigé contre les français et Charles d'Anjou, le Roi d'Aragon Pierre III, héritier de la lignée de Frédéric II par sa femme Constance, fille de Manfred von Hohenstaufen, ancien roi de Sicile, et tué par Charles d'Anjou, envahit l'île et se fait nommer roi le 4 septembre 1282. Le Pape, Martin IV, l'excommunie, réclame une croisade à son encontre et donne la Couronne d'Aragon au second fils de Philippe le Hardi, Charles de Valois.
De mai à novembre 1283, le roi de France, Philippe III le Hardi, entreprend un voyage dans le sud de la France qui l'aménera à séjourner de juillet à octobre dans les plus importantes villes du Languedoc. Un certain Pierre de Condé a rassemblé sur des tablettes les périodes de séjour dans chacunes des cités. Par exemple, du 9 au 17 juillet il est à Toulouse, les 23 et 27 juillet à Carcassonne, le 2 août à Béziers, du 9 au 16 août de nouveau à Carcassonne, où il tient son Parlement et du 21 août au 29 septembre de nouveau à Toulouse.

Les traités dans l'Histoire et bibliographie

Les deux traités signés* par les rois de France et de Majorque les 17 et 18 août 1283 n'ont pas été connus historiquement à la même époque. Concernant celui du 18 août, à Palairac, son existence est notamment révélée par l'énorme et magnifique ouvrage, réalisé sur près de 30 ans, dont le dernier volume de l'édition première remonte à 1745, écrit par deux bénédictins de la congrégation de Saint Maur, Claude Devic et Joseph Vaissète : "Histoire Générale du Languedoc". Ces auteurs citent en note de bas de page comme référence pour ce traité "le trésor des Chartes Montpellier, sac 1, n. 11". En 1845 et en 1885 sont rééditées des versions augmentées par des commentateurs de l'époque, comme en 1845 le chevalier Alexandre du Mège qui poursuit l'oeuvre jusqu’en 1830 (l'édition première s'arrêtait au début du XVIIIème). L'existence du second traité, celui de Carcassonne du 17 août, n'est révélée qu'en 1892 à la parution des deux tomes de l'ouvrage "Les relations politiques de la France avec le Royaume de Majorque" de Albert Lecoy de La Marche. Cet auteur a découvert dans les archives de la Chambre de Comptes, dans la salle dite "chambre d'Anjou" les archives des rois de Majorque, arrivées là après bien des changements de mains. Ces documents éclairent notamment par le traité de Carcassonne le soutien et la fidélité que Jacques II de Majorque avait vis-à-vis du roi de France, et mal cernés par les auteurs et commentateurs de "L'Histoire Générale du Languedoc". On verra que ceux-ci n'étaient pas au courant de la présence en France de Jacques II sur la période allant du 15 août, à Carcassonne, jusqu'autour du 25 août, à Toulouse. Des auteurs plus récents ont analysé ces événements de la fin du XIIIème siècle. On peut citer :

Le traité de Carcassonne

Traité de Carcassonne
AN J/598/5


Nous faisons savoir à tous que nous, Jacques, par la grâce de Dieu Roi de Majorque, Comte de Roussillon et de Cerdagne, seigneur de Montpellier, à cause de cette particulière estime et sincère affection que toujours nous avons eue, avons, et le Seigneur aidant, que nous aurons toujours pour le puissant et illustre prince le seigneur Philippe, Roi de France, à lui avons promis et promettons que nous [l'aiderons], soit qu'il se lancerait un jour à vouloir attaquer et enlèverait par conquête à notre frère Pierre, alors Roi d'Aragon, le royaume d'Aragon et le Comté de Barcelone, en raison de la donation faite déjà par le seigneur Pape à l'un des fils dudit seigneur Roi de France, soit pour prêter secours au magnifique prince Charles Roi, par la grâce de Dieu, de Sicile et de Jérusalem son oncle. L'aide ou l'assistance donnée au seigneur Roi de France et aux siens seront prêtées de cette manière dès maintenant et comme il lui plaira pour lui et les siens, soit pour ceux qu'il enverrait en ce lieu attaquer ou conquérir ledit royaume et Comté de notre frère, [qui] pourraient par tout notre territoire avec notre agrément et bonne volonté traverser et demeurer et traversant et demeurant avoir libre commerce et victuailles des gens qui voudraient leur vendre.
Les passages ou défilés par lesquels on passe de notre territoire en Catalogne nous ne les empêchons pas ni ne les prohibons ; bien plus nous voulons et il nous plaît que ceux-ci soient libres comme il leur plairait avec les châteaux et forteresses que nous avons ou tenons pour garder ou entrer dans ces " passages " précités. En outre, nos autres châteaux et fortifications que ledit roi, ou les siens, à qui il paraîtrait opportun de leur être livré, nous les leur assignons et remettons pour qu'il les fasse tenir et équiper à son compte tant qu'il verra opportun de les tenir et cela aussi longtemps que le nécessitera cette affaire.
Quand vraiment en hâte notre frère prénommé par lui ou par d'autres nous envahirait non seulement suivant la façon sus-indiquée nous aiderions le Roi de France avec nos soldats et autres gens que nous conserverions aussi longtemps que ladite guerre et le différend entre le sus-nommé Roi de France et les siens et notre dit frère et les siens dureraient et l'aiderons en outre de tous les conseils que [nous] pourrons fidèlement lui donner.
En outre, toutes ces conventions particulières, nous promettons au seigneur Roi de les appliquer, de les remplir et de bonne foi fidèlement les observer et pour plus grande sûreté nous promettons toutes les précédentes fidèlement conservées par serment sur les saints évangiles de Dieu en notre âme et en notre présence par notre fidèle juge Arnaud Bajuli appuyé de notre spécial et exprès commandement, et encore nous envoyons les présentes lettres concédées scellées en tout témoignage de notre sceau pendant.

Donné à Carcassonne le 16 des calendes de septembre l'année du Seigneur mille deux cent quatre vingt trois.

Le lecteur peut constater dans ce texte complet du traité que le Roi de Majorque n'attend aucune contrepartie. Pour les historiens, mais de manière peu convaincante, celles-ci seront établies, au moins pour une partie, sous forme de lettres que Philippe rédigera à partir du 25 août 1283 à Toulouse.
Certains commentateurs ont parlé d'une mauvaise aventure arrivée à Jacques II en avril 1285, peu avant que Philippe le Hardi ne lance son armée vers l'Aragon : se doutant de quelque chose, Pierre III d'Aragon accompagné de quelques chevaliers entre dans Perpignan et se dirige vers le château de son frère. Ne pouvant l'atteindre, muré dans sa chambre, il parcourt la ville en se faisant acclamer (il est depuis 1279 le suzerain de son frère). Il se dirige vers la Maison du Temple et y pénètre. Outre les bijoux de la Couronne, il trouve un parchemin roulé mentionnant l'aide de Jacques au Roi de Fance quand il envahira l'Aragon, la promesse du don à Jacques du Royaume de Valence et l'approbation du Pape.
Le chroniqueur, Bernard D'Esclot "Cronica del Rey en Pere", acquis au Roi d'Aragon, enjolive probablement le récit. Le traité lu par Pierre III, et d'ailleurs laissé par lui où il l'a trouvé, a de forte chance d'être le traité de Carcassonne qui ne contient aucune allusion à un don du royaume de Valence et une "approbation" du Pape. Ce chroniqueur poursuit en racontant le retour furieux de Pierre III au château royal et son intrusion dans la chambre de Jacques ... vide. A l'aide de l'architecte du château, Jacques s'est enfui par les égoûts qui passent juste sous le sol de la chambre.
Quoiqu'il en soit Pierre III d'Aragon est prévenu des intentions de ses opposants. Un autre événement lui avait déjà mis la puce à l'oreille : peu de temps avant la signature de ce traité secret, le 20 juillet 1283, Pierre III avait envoyé à son frère des émissaires pour qu'il le soutienne en cas d'invasion de l'Aragon par Philippe le Hardi. Embarrasé, Jacques ne répondit pas et demanda du temps pour la réponse. Cela équivalait à un refus. ll savait certainement déjà que dans moins d'un mois il signerait un traité de soutien au Roi de France. Lecoy de La Marche met en avant que, Pierre III d'Aragon excommunié, aucun de ses vassaux n'étaient plus obligés de tenir leurs engagements envers lui. Cela permettait à Jacques d'apporter son aide au Roi de France sans enfreindre les lois féodales.
La "croisade" contre l'Aragon se soldera par un échec et la mort de Philippe le Hardi, de dysenterie, à Perpignan, le 5 octobre 1285. Pierre III meurt aussi 36 jours plus tard. Le 7 janvier avait vu le décès de Charles d'Anjou et le mois de mars celui du Pape. Jacques, fin 1285, reste le seul acteur de ces événements.
Joseph Sablayrolles soutient dans son article de la SESA, que les hostilités avaient débuté dès le mois de novembre 1283 au Val d'Aren pour s'assurer la maîtrise de ce point d'accès de l'Aragon.
On ne sait pas exactement quand Jacques de Majorque s'est rendu à Carcasssonne pour la signature du traité. Une seule chose est sûre il fut signé, à Carcassonne, le 17 août 1283 (le 16 des calendes de septembre).

Le traité de Palairac

Traité de Palairac
AN J/598/4


Voici une traduction du traité de Palairac due à Monsieur Pierre Monin que nous remercions vivement. Seuls quelques mots difficilement lisibles n'ont pu être traduits : les noms de lieux cités vers la moitié du texte. Cela ne nuit en rien à la compréhension du reste.

Que tous sachent, ceux de ce temps, comme ceux des temps à venir, que nous Jacques, Roi de Majorque par la grâce de Dieu, Comte de Roussillon et de Cerdagne et seigneur de Montpellier, en notre nom et au nom de tous mes successeurs comme Seigneurs de Montpellier, nous reconnaissons et déclarons véritablement au très noble prince le Seigneur Philippe, Roi de France par la grâce de Dieu, que la ville de Montpellier, le château de Lattes, autrefois appelé Palude, et tous les autres châteaux et territoires de la baronnie de Montpellier et tout l'espace qui appartint autrefois au noble Guillem de Montpellier, sont sous la dépendance de son royaume, le royaume de
France.
Nous reconnaissons particulièrement aussi au même Seigneur Roi, que la souveraineté sur la ville de Montpellier, sur le château de Lattes et ses environs est exercée par nous en arrière-fief du Roi de France lui-même.
L'évêque de Maguelone a reconnu en d'autres lieux et reconnaît que son pouvoir sur la ville et le château lui vient comme fief du Roi lui-même, alors que de notre côté notre pouvoir sur cette ville et sur ce château dépend comme fief de l'évêque de Maguelone.
En outre nous reconnaissons que tous les lieux cités ci-dessous seront du ressort du Seigneur sus-nommé le Roi de France : …..
Nous promettons en toute bonne foi au Seigneur cité ci-dessus, le Roi et aux siens, en notre nom et au nom de nos successeurs, de considérer à perpétuité cette première acceptation et celles qui la suivent comme de haute valeur et de ne jamais contrevenir à l'une ou aux autres au nom de quelque droit que ce soit ou pour quelque cause que ce soit.
Et pour donner plus de force à tout ce qui est dit ci-dessus et au titre de témoignage en faveur de l'intégralité de ce texte, nous avons considéré que le présent document scellé doit l'être de notre sceau pendant.
Délivré à Palairac, le mercredi après la fête de l'Assomption de la Bienheureuse Vierge Marie, l'année du Seigneur mille deux cent quatre-vingt trois.


Après ce texte complet du traité, examinons les rapports qu'en ont fait Devic, Vaissète et Lecoy de La Marche. Commençons par Devic et Vaissette.

Le roi a une entrevue avec le roi de Majorque, et s'accorde avec lui touchant la souveraineté de Montpellier.

De Carcassonne le roi s'avança vers les frontières du Roussillon, soit pour visiter ce pays, soit pour aller à la rencontre de Jacques roi de Majorque, avec lequel il eut une entrevue à Palairac dans le diocèse de Narbonne et le pays de Fenouilledes. Ces deux princes, qui avoient été auparavant pendant longtemps en différend au sujet de la souveraineté et du ressort de la ville de Montpellier, s'y accordèrent enfin; et Jacques reconnut , par un acte (3) daté du même lieu, le mercredi après la fête de l'Assomption, ou le 18 d'Août de l'an 1283 (4), que la ville de Montpellier, le château de Lates, appellé autrefois la Palu ( De Palude ), et tous les autres châteaux et villages de la baronie de Montpellier et des environs, tels qu'ils avoient été possédés par feu noble homme Guillaume de Montpellier, étoient du royaume de France. Il reconnut aussi que la ville de Montpellier, le château de Lates et leurs dépendances étoient de la mouvance de l'église de Maguelonne, et qu'il les tenoit en arrière-fief de la couronne ; que le tout étoit du ressort du roi, conformément au privilège que ce prince lui en avoit accordé ; promettant de ne jamais contrevenir à cette déclaration.
Le roi à son tour étant retourné à Toulouse, y déclara le lundi avant la S. Barthelemi, que pour l'affection singulière qu'il avoit envers Jacques roi de Majorque seigneur de Montpellier, il lui accorde et aux seigneurs de Montpellier ses successeurs, par une grâce spéciale, que toutes les causes d'appel qui pourront émaner, soit de la personne de ce prince, soit de celle de son lieutenant dans la baronie de Montpellier et ses dépendances, ne seront relevées ni devant le sénéchal de Beaucaire ni devant tout autre sénéchal ; mais devant le roi de France lui-même et sa cour. Philippe, qui adressa ces lettres aux sénéchaux de Beaucaire et de Carcassonne s'attacha ainsi le roi Jacques, qui lui demeura toujours uni durant la guerre qu'il eut bientôt après avec le roi d'Aragon son frère.


Cette narration de Devic et Vaissète se compléte de deux notes, la (3) et la (4) ; pour la première déjà présente à la première édition et donnant : le trésor des Chartes de Montpellier, sac 1, n. 11 ; pour la seconde, écrite par A. M. , Auguste Molinier, conservateur de la bibliothèque Sainte Geneviève, dans l'édition de 1885 et qu'il convient de lire attentivement :
"en effet nous avons vu plus haut que du 9 au 16 août 1283 le roi était à Carcassonne, & que le 21 du même mois il était à Toulouse ; Palairac est à onze lieues de Carcassonne ; entre cette dernière ville et Toulouse, on compte vingt-trois lieues ; le roi aura fait ces trente-quatre lieues en deux jours, ce qui n'a rien de surprenant. Le 17 il alla de Carcassonne à Palairac ; le 18 il vit le roi de Majorque ; il arriva à Toulouse le 21. Ajoutons qu'il dut aller seul ou presque seul à cette entrevue, & que sa suite dut rester à Carcassonne ; c'est ainsi qu'on doit expliquer la lacune que l'on remarque ici dans les tablettes de Pierre de Condé".
Dieu que ce traité de Palairac embête les historiens !
Le fait que Devic et Vaissète, et Molinier, considèrent une "entrevue" en dit long... Il est vrai qu'ils croient tous que Philippe a quitté Carcassonne et Jacques Perpignan pour se rejoindre à mi-chemin. D'où le choix de Palairac et "une entrevue". Comme si cette raison ne suffisait pas ils font de Philippe un touriste avant l'heure "pour visiter ce pays". Compte tenu du traité important qui sera signé, les préoccupations de Philippe ne sont pas d'ordre "touristique". D'ailleurs si les auteurs avaient connus un tout petit peu le terrain, ils auraient su que de Palairac on ne voit pas le Roussillon. Pour cela il faut faire 30 kilomètres de plus et monter sur les dernières crêtes des Corbières, certes "situées dans le Roussillon" pour certaines, mais qui permettent la vue sur la plaine du Roussillon, la mer, les Albères, le col du Perthus, les Aspres et les Pyrénées... Les villages et châteaux frontières ne manquent pas : Aguilar, Tuchan, Nouvelles (tous trois à 15 km de Palairac et depuis 1260-1262 propriété du Roi de France - Aguilar-, ou de l'Abbaye de Lagrasse, comme Palairac, suite aux ventes d'Olivier de Termes), Peyrepertuse, Quéribus, (tous les deux à 30 km, le dernier avec vue imprenable sur le Roussillon). Mais en allant jusqu'à ces points de vue le temps pour la signature diminuait, alors il s'est arrêté à Palairac, sans voir le Roussillon... Bref, pour combler leur ignorance ces historiens n'y vont pas par quatre chemins. L'argument de visite, qui sera repris par Lecoy de La Marche, ne tient absolument pas. Qu'auraient inventé Devic et Vaissète s'ils avaient su que, la veille, les deux rois étaient ensembles et qu'ils avaient signés un premier traité ? L'argument "d'entrevue" n'aurait plus été possible. Même ignorant cette rencontre de la veille à Carcassonne, A. Molinier se pose quand même la question des trajets et se persuade que "cela n'a rien d'étonnant". Forcément avec un roi chevauchant seul au galop à la manière d'un coursier changeant régulièrement de monture... Les routes n'étaient pas sûres à cette époque et, outre Jacques, il y a fort à parier qu'il n'était pas "seul" et aussi rapide. Que la cour ne l'ait pas suivi c'est à peu près certain : le temps de trajet n'aurait pas permis "l'entrevue" et le chateau de Palairac l'hébergement... Peut-être qu'il a choisi volontairement de laisser la cour, et peut-être son fils le futur Philippe le Bel, à Carcassonne, pour s'entretenir avec Jacques de choses qu'un minimum de personnes devait entendre, le traité, qu'ils auraient pu signer à Carcassonne, n'étant qu'un alibi pour justifier un déplacement à Palairac.
Voyons à présent le texte de Lecoy de La Marche.

Le surlendemain 18 Août, les deux alliés se retrouvaient à Palairac, dans le Fenouillèdes, non loin du Roussillon, que Philippe, sans doute, était bien aise de connaître à l'avance. Là, l'hommage de la Seigneurie de Montpellier, qui avait été convenu, lui fut rendu dans toutes les formes. Jacques reconnut tenir de lui en arrière-fief la ville et ses environs, le château de Lattes et les autres terres possédées jadis par les Guihlem. Le tout était déclaré du ressort de la couronne de France. Les droits de l'évêque de Maguelone étaient, bien entendu, sauvegardé.
Comme vous pouvez le constater, Lecoy de La Marche "allonge" malhonnêtement le temps de déplacement des deux rois à Palairac en parlant de "surlendemain". Deux jours c'est mieux pour se déplacer et parler du sort de Montpellier. Pourtant Lecoy de La Marche connait la date du premier traité et celle du second... Il écrit quand même "sans doute" pour l'argument touristique, preuve qu'il se pose quelques questions à son sujet.
Les deux textes, de Vaissète et Lecoy de La Marche, situent Palairac dans le pays de Fenouillèdes. A cette époque, appartenant à l'Abbaye de Lagrasse, le territoire de Palairac fait déjà partie depuis longtemps du Termenès, bien séparé des territoires de Perapertusès et Fenouillèdes. L'abbé Maurice-René Mazières cite aussi par erreur dans son texte "...Palairac, en Petrapertusez, sur les terres de la famille de Fenouillet".
Lecoy de La Marche précise aussi que l'hommage avait été convenu, non en pensant à une préparation lors de leur rencontre la veille à Carcassonne avec ratification à Palairac. En effet Lecoy de La Marche consacre un chapitre entier au problème de Montpellier.
Fin du XIIIème siècle, depuis la reconnaissance par l'évêque de Maguelone de la suzeraineté de la France, quatres pouvoirs s'exercaient avec conflits de compétence sur Montpellier : les consuls de la Ville, le Roi de Majorque, l'évêque de Maguelonne (1er suzerain, seigneur de Montpellier) et le Roi de France (suzerain suprême). Les choses s'envenimèrent dès que le sénéchal de Beaucaire voulut mettre des fourches du Roi de France autour de l'étang de Lattes (les fourches étaient un signe visible de tous des limites de juridiction d'un Seigneur). Tous les conflits qui suivirent, notamment par rapport à l'exercice de la justice, amenèrent Poncheron, sénéchal de Beaucaire, à lancer une armée sur Montpellier. Cette "invasion" ne se réalisa pas in extremis par soumission de la partie adverse. Afin de montrer la suzeraineté effective de Philippe le Hardi, un texte, le Thalamus Parvus (le petit Thalamus de Montpellier) relate que celui-ci et Jacques de Majorque se rencontrèrent à Paris en 1282. Mais rien n'est sûr, d'autant plus qu'aucun acte de l'époque n'existe. Cette reconnaissance sera faite un an plus tard à Palairac.
Lecoy de La Marche en disant "avait été convenu" fait allusion à cette hypothétique rencontre parisienne. Sous entendu, il se demande pourquoi Palairac, inconnu au bataillon, aurait été le lieu des négociations aboutissant à ce traité. Bref il fallait bien trouver une raison de la venue, courte semble-t-il, à Palairac des deux Rois, la validation d'un accord passé en constituant une. Alors pourquoi n'avoir pas signé cet acte tout simplement à Carcassonne ? Cela aurait permis de justifier la présence du Roi de Majorque dans ses murs sans soupçonner la conclusion d'un traité sur l'invasion de l'Aragon que tout les commentateurs reconnaissent comme "secret" ...
Ce traité ne semble pas avoir été si secret que cela puisque Jacques II précise bien dès le départ "Nous faisons savoir à tous..." et à la fin "nous envoyons les présentes lettres concédées scellées, en tout témoignage, de notre sceau pendant". En effet il fallait bien prévenir toutes les places fortes du Roussillon d'accepter sans contrainte la venue prochaine du Roi de France sur leurs terres.
Les trois auteurs des volumineux ouvrages sur l'Histoire du Languedoc et les relations politiques de la France avec Majorque, s'accordent pour dire que la prestation d'hommage de Jacques II concerne Montpellier, le château de Lattes, tout le territoire de la baronnie de Montpellier (tout ce qui avait appartenu aux Guillem), que la ville de Montpellier, le château de Lattes et leurs dépendances dépendaient de l'évêque de Maguelone et que lui, Jacques, le reconnaissait, et gardait ces territoires en arrière-fief de la Couronne.
Cela fait beaucoup de concession de la part de Jacques si on ajoute l'aide qu'il apporte à Philippe avec le traité de la veille. Quelles sont les contreparties ? La suite du texte de Devic et Vaissète ci-dessus indique que Philippe, de retour, dès le 21, à Toulouse fit des lettres, qu'il envoya aux sénéchaux de Beaucaire et Carcassonne, certainement suite aux événements de Montpellier, indiquant que les causes d'appel venant de Jacques, ses descendants ou son lieutenant dans la baronnie de Montpellier, se feront directement devant le Roi de France. Bref il "court-circuite" ses sénéchaux qui avaient montré un peu trop de zèle.
Devic et Vaissète voient dans ce geste la cause qui fait que Jacques "lui demeura toujours uni durant la guerre qu'il eut bientôt après avec le Roi d'Aragon son frère". Il est vrai que ces auteurs n'étaient pas au courant du traité de la veille à Carcassonne...
Lecoy de La Marche fait tout de même ce commentaire, à propos de ces lettres, qu'il considère comme une importante contrepartie : "Ces privilèges, sans doute, n'étaient pas de nature à balancer les riques et périls auxquels s'exposait le Roi de Majorque en se liguant avec la France contre le chef de sa maison".
Le découvreur des archives de Majorque admet que Jacques donne beaucoup pour ne presque rien recevoir. Lors des événements de Montpellier, Jacques avait totalement été absent remarque Lecoy de La Marche. Jacques se souciait-il peu de Montpellier ? La contrepartie des lettres de Toulouse s'en trouverait encore moins importante.
Admettons que tous ces historiens ne comprennent pas les efforts de Jacques devant le peu de concession de Philippe. Ils ne comprennent pas non plus la venue à Palairac des deux Rois et, en réalité, la raison véritable de ce voyage, dont répétons-le, ils auraient vraiment pu se passer en s'accordant sur Montpellier la veille à Carcassonne.
Personne ne connait cette véritable raison de la présence des Rois de France et de Majorque dans un village minuscule (aussi à l'époque) et au château sans importance. Rien à Palairac, à part ce traité, n'a concerné la "Grande Histoire" de France.
Pourtant les faits sont là ...

Faudrait-il voir cette venue à Palairac en relation avec la nomination en mars 1283 comme seigneurs d'un certain Noble Pierre de Torozelle, chevalier, et Bertrand son frère, faisant hommage et serment à Auger de Cogenx, abbé de Lagrasse, pour le château et village de Palairac, tenu en fief du dit abbé (Cartulaire et archives des communes de l'ancien diocèse et de l'arrondissement administratif de Carcassonne, Tome III, Mahul) ?
Gauthier Langlois dans un cartulaire qu'il a créé sur le village de Palairac donne en bas de page le commentaire suivant : "Ces deux personnes et leur famille sont connues par ailleurs : B. de Torrozella est témoin dans la sentence d'excommunication lachée par G., archevêque de Narbonne le 1252, 12 janvier contre Almaric de Narbonne et ses officiers (Doat 48, f° 130, d'après les archives de l'abbaye de Fontfroide). Berengarius de Torozella et Guillelmus de Torrozela, prepositus Cominiani (prévot de Comigne), témoins d'un acte de 1257 entre Béranger, abbé du monastère de Lagrasse et ses moines, et Louis, roi de France. A. A.D. Aude, J 343, n° 6 -original scellé. Inv. Layettes, t. III, pp. 345 b-346, n° 4317. Cf. Mahul, Cartulaire de Carcassonne..., t. II, p. 287; Pailhes, pp. 649-651, acte 216. Berengarius de Torrozela, prior Sancti Stephani (prieur de Saint-Estève en Roussillon), témoin de l'hommage des habitants de Corneilla à l'abbé Auger de Gogenx, 1271 (restituez 1281), 26 février. A.D. Aude, H 38."
Qui est ce noble chevalier Pierre de Torozelle, visiblement placé par un membre de sa famille, prieur de l'abbaye bénédictine de Saint Esteve, près de Perpignan, qui connaissait apparemment bien l'abbé de Lagrasse et en dépendait ? Il semblerait qu'il faille confondre ce Pierre de Torozelle avec un autre Pierre de Tourouzelle, déclaré faydit (fuyant et dépossédé), qui avait vu ses biens confiqués en 1262 à Tourouzelle, village proche de Lézignan-Corbières. A noter que Bertand de Torozelle est cité comme témoin dans le testament de Guillaume de Rieux en 1270 , "Bertrand de Torozelle, de Palairac" (Gauthier Langlois, Cartulaire).
Cette piste, celle de Pierre et Bertrand de Torozelle, permettrait d'établir un lien entre Palairac et le Roussillon d'alors. Nous en reparlerons un peu plus loin.

Un territoire avec des mines

Pour expliquer ces visites royales, plusieurs pistes sont possibles, mais sans la moindre preuve. Un seul fait est avéré, dont les historiens précédents n'ont pas tenu compte : la richesse de Palairac et la région à l'époque reposait sur les mines, principalement d'argent, source de conflit entre les seigneurs de Termes et l'abbaye de Lagrasse depuis deux siècles.
De nouveau seul propriétaire de la Seigneurie minière de Palairac depuis 1260, cette abbaye percevait la totalité des profits venant de son exploitation. Fidèle de Louis IX, Olivier de Termes côtoyait son fils Philippe, futur Roi, notamment lors de la dernière croisade. Philippe connaissait certainement les terres d'Olivier qui lui avaient été restituées au lendemain de la 7ème croisade, celles pourvues de ces fameuses mines notamment.
Pourquoi le déplacement en août 1283 des deux rois n'aurait-il pas été l'occasion pour Philippe de montrer les richesses minières d'un territoire proche de celui de Majorque, notamment la mine de Lacanal sur Palairac ?
Un accord, resté secret, pourrait avoir été conclu entre ces deux rois, en présence éventuellement de quelques confidents ; celui de France promettant, entre autres, à l'issue de la croisade contre Pierre III, la cession à celui de Majorque de cette partie du territoire de la Couronne, lui donnant ainsi une véritable compensation financière et faisant là une concession ... minière.
Malheureusement la croisade contre Pierre III d'Aragon laissa Jacques II de Majorque seul, ou presque, avec la connaisance de cet éventuel accord commun, qui ne se réalisa pas par la disparition malheureuse du Roi de France qui ne put tenir son engagement.
Les traditions villageoises qui font que Louis XIV soit venu à Palairac visiter la mine de Lacanal en y jettant une pièce d'or sont peut-être révélatrices d'un souvenir populaire concernant ces visites royales bien plus anciennes. Louis XIV n'est lui probablement jamais venu à Palairac. Mais dans la mémoire collective il s'est substitué aux deux rois du XIIIème siècle.
En sus de la volonté de Colbert d'indépendance nationale en matière de métaux (*) et des essais de recherche antérieurs à 1659 dans certaines régions du Languedoc, l'envoi, avéré cette fois, par le ministre de Louis XIV de ce Sieur d'Arçons à Palairac et ses environs, sitôt le traité des Pyrénées signé, ne pourrait-il indiquer que quelques documents furent trouvés dans les archives du Roussillon de l'époque ? Pure hypothèse difficilement vérifiable...

Une contrepartie en argent de Philippe le Hardi ?

Une autre hypothèse possible serait le paiement, en lingots d'argent par exemple, d'une compensation financière de la part de Philippe le Hardi. La transaction se serait déroulée entre les deux rois à Palairac, siège de l'exploitation et du traitement du minerai d'argent du même lieu.
Aucune preuve bien sûr pour confirmer cette hypothèse, mais voici des indices qui pourraient aller dans ce sens et qui demanderaient à être étayés.
De l'avis de plusieurs historiens, les chevaliers de l'Ordre du Temple étaient les gestionnaires des finances et les gardiens du trésor de la Couronne de Majorque. Ils se fondent principalement sur le texte de Bernard D'Esclot, cité précédemment, rapportant l'intrusion de Pierre III d'Aragon à la maison du Temple de Perpignan, l'ouverture des coffres du trésor du roi de Majorque et la découverte d'un traité (de Carcassonne ?). La qualité de "banquiers" et de convoyeurs de fonds des templiers n'est plus à démontrer.
Vassal de son frère Pierre III, Jacques II s'était vu imposé l'utilisation de la monnaie de Barcelone. Mais on sait qu'il brava l'interdiction qui lui avait été faite de battre la monnaie. Il créa sa propre monnaie, le Réal d'argent. Ses successeurs feront de même, ce qui leur vaudra de sérieux problèmes. Un atelier monétaire fut créé à Perpignan qui fonctionna du milieu du XIVème jusqu'XIXème.
Jacques entreprit une politique de grand travaux (Palais des rois de Majorque, cathédrale de Palma de Majorque, ...) nécessitant des fonds importants.
L'échec de la Croisade contre l'Aragon en 1285 n'arrêta pas les hostilités entre le roi de France, le roi de Majorque et le roi d'Aragon. Jacques II perdit au profit du roi d'Aragon l'ile de Majorque dès 1285. Celle-ci ne lui fut restituée qu'en 1298 après le traité d'Argelès, succédant lui-même aux traités de Tarascon (1291) et d'Anagni (1295). Jacques II de Majorque n'avait pas hésité à réclamer au roi de France Philippe le Bel, après signature du traité de Tarascon et avant signature du traité d'Anagni, une compensation financière de 20000 livres tournois, en cas de paix, ou 30000 livres tournois, en cas de guerre, si la paix avec l'Aragon (et donc la restitution de l'ile de Majorque) était retardée par la faute du roi de France. Quelques mois après la signature du traité d'Anagni (20/6/1295), Jacques II renonça à ce versement du Roi de France (parchemin daté du 12 janvier 1296). Jacques II n'hésitait donc pas à se faire payer certaines contreparties.
Ce noble chevalier Pierre de Tourouzelle, apparemment moine et chevalier, nommé en avril 1283 responsable du village de Palairac et de sa seigneurie minière, aux côtés de son frère Bertrand, moine de l'Abbaye de Lagrasse qui dirigeait déjà le village depuis plusieurs années, était peut-être un moine chevalier d'un ordre monastique militaire (Templiers du Roussillon ?, de Peyrens ?). Le faydit, Pierre de Tourouzelle, en 1262, a bien pu se faire admettre dans l'Ordre du Temple. L'Ordre en effet admettait souvent dans son sein ce genre de postulants, leur permettant de "faire peau neuve". Précisons que les templiers possédaient des terres sur Palairac : en effet, fin 1192, Adam de Mernebes, seigneur de Minierme, terroir de Palairac, céda des terres aux templiers de Peyrens probablement suite à son admission dans l'ordre.
Dès lors on pourrait imaginer le scénario suivant :
Réal d'argent de Jacques IILe 18 Août 1283 au matin, les deux rois, accompagnés d'une petite escorte, peut-être de templiers, se rendirent à Palairac. Placé en avril 1283, Pierre de Tourouzelle, qui les acceuillit, était chargé de diriger l'exploitation de la mine d'argent de Lacanal et du traitement du minerai pour en récupérer l'argent sous forme de lingot. Il était chargé aussi du stockage et de la surveillance de l'argent (dans la mine de Lacanal par ex., ce qui expliquerait la porte se verrouillant de l'intérieur). Le roi de Majorque reçut de Philippe le Hardi la quantité d'argent qu'ils avaient convenu pour son soutien dans la croisade d'Aragon et sa soumission au roi de France pour Montpellier. Une escorte de Templiers ramèna les lingots d'argent à la maison du Temple de Perpignan, accompagnés du traité signé la veille à Carcassonne. Le traité sur Montpellier signé à Palairac par Jacques dès réception des lingots, malgré son importance, servit en même temps d'alibi à ce déplacement au coeur des Corbières.
Cet argent permit ensuite à Jacques de Majorque de commencer ou continuer à battre sa propre monnaie et poursuivre sa politique de grands travaux. Sa mission terminée, Pierre de Tourouzelle rejoignit sa commanderie.
Un tènement de Couize (ruisseau), proche de Lacanal, s'appelle "Entourouselle", pouvant indiquer la trace que ces frères et ces évènements ont laissé dans la mémoire populaire...

Bien sûr, encore une fois, ce ne sont là que des hypothèses qui demanderaient à être vérifiées.

Alors, le réal de Jacques II, en argent de Palairac ?


Notes :

(*) A cette époque aucune signature n'était écrite sur les parchemins, seuls le ou les sceaux étaient apposés (suspendus).

(**) A la fin de son "Avis sur les mines métalliques dont il a eu la direction pour le service du Roi", César d'Arçons s'exprime ainsi :
"Or quand il plaira à Sa Majesté de faire ainsi travailler à ses mines, comme elle en a tous les moyens nécessaires (sauf de bons fondeurs qu'il faudrait faire venir d'Allemagne jusqu'à ce que le travail en eut fait d'aussi bons en France) non seulement l'on pourra espérer d'y voir en plusieurs mines le même évènement qu'on a déjà vu à celle de la Caunette, dont j'ai parlé ci-dessus et qui n'étant au commencement qu'une mine de plomb s'est trouvée au fond une mine d'argent, mais l'on pourra en outre se promettre que dans peu d'années l'on fera sortir peut-être assez de fin pour en payer toute la dépense ou la meilleure partie, et peut-être aussi assez de plomb et de cuivre pour n'avoir plus besoin de celui que les étrangers nous apportent, et pour lesquels ils emportent chez eux de nos deniers plus de trois millions de livres chaque année."