La fresque

Interprétation religieuse

L'Homme, Temple de Dieu
 


Plusieurs fois dans ce site l'interprétation religieuse suivante de la fresque a été proposée au lecteur : la croix est le symbole de la Foi, l'ancre celui de l'Espérance, le rouge et le sang du calice ceux de la Charité. Ce sont les trois vertus théologales qui permettent de vaincre avec l'aide des deux Alliances le serpent, symbole du mal ou du péché originel.
En voici le développement.
 
Sur moins de 1 m2, la peinture du retable de Saint Roch recèle un nombre important de symboles religieux dont la signification, que ce soit celle de chaque élément ou celle de l'ensemble, ne devait pas être facilement accessible aux habitants de Palairac qui fréquentaient, assidûment ou non, les offices religieux ces 300 dernières années. Composée essentiellement d'agriculteurs ou de mineurs, parfois ouvriers de passage, cette population n'avait pas la compétence requise pour interpréter cette peinture. Rappelons que celle-ci se trouve dans la chapelle Nord, sous la voûte, dans un endroit où peu de personnes pouvaient facilement la distinguer. Même si la culture religieuse de nos ancêtres était plus complète que celle que nous avons aujourd'hui, elle se limitait essentiellement à la connaissance de la vie des personnages de la Religion Catholique (Christ, Saints, ...) et au contenu des sermons et paroles d'évangiles que leur curé était astreint à leur faire.
En restant dans le domaine religieux, le corpus nécessaire à sa compréhension n'était vraiment pas donné à tout le monde. Dès lors à qui pouvait bien s'adresser cette peinture ?
 
Nous partirons sur le principe que la peinture est un ensemble allégorique composé de symboles. La croix et les autres représentations ne sont pas des éléments à prendre en tant qu'objets, mais des symboles désignant une ou plusieurs entités dont ils sont la représentation. Ce n'est pas comme la statue de Sainte Germaine de Pibrac qui s'interprète directement par ses détails sans ambiguité : mouton, roses, tablier, ... (encore que plusieurs Saintes sont dotées de ces attributs...)

Temple de Salomon

mosset oeilUn temple est représenté, identifiable par ses colonnes et son fronton triangulaire. Le triangle équilatéral doté d'un oeil est une figure assez courante : la Sainte Trinité (les 3 côtés) et son regard absolu et omniscient (ci-contre une "Gloire" de l'église Saint Julien et Sainte Baselisse de Mosset, Pyrénées Orientales). Le rayonnement des côtés du triangle avec les nuées l'entourant (le triangle est entouré de nuage) confirme cette interprétation : quand les prêtres quittaient le Temple de Salomon, une nuée venait entouré ce dernier : "le Tétragramme Sacré a dit qu'il réside dans la brume" I Rois VIII, 12. Le fond jaune d'or du tympan correspond à la gloire de la Lumière Divine et à sa diffusion.
 
Le temple s'identifie avec celui de Salomon. Pour les Israélites, c'est le Lieu de Rendez-vous. Pour les chrétiens, le Christ représente un nouveau temple avec lequel tous les peuples ont rendez-vous. Au départ, selon la Bible, pendant l'Exode, le Temple était une tente rectangulaire constituée de plusieurs pièces consécutives dont la dernière était le Saint des Saints, encore appelé Tabernacle. Dans ce Tabernacle était conservée l'Arche d'Alliance contenant elle-même les Tables du Témoignage (les Tables de la Loi avec les dix commandements).
 
Le Temple construit par Salomon à Jérusalem avait la même disposition que le Temple itinérant en toile. L'intérieur du Temple représenté sur la peinture montre ces Tables de la Loi. Tous les objets visibles dans le Temple sont inscrits dans un espace carré décentré par rapport aux colonnes, ce qui pourrait indiquer que cet espace correspond au Tabernacle (qui était carré et décentré dans le Temple). Les colonnes que Salomon fit construire, à l'extérieur du Temple, Jakin (Jachin), "il établit fermement", et Booz (Boaz), "en lui la force", correspondraient, mais pas de manière sûre, aux deux colonnes noires et blanches. La Bible ne donne cependant pas d'indication exacte de couleurs à ces deux colonnes Jakin et Boaz ("d'airain"). Même dans le cas où on associe le Temple représenté sur la peinture à un tabernacle d'église, ces couleurs opposées des colonnes ne trouvent pas de signification probante. Le tabernacle est un petit édifice ressemblant à un temple, et pour cause, pour la conservation des osties de l'Eucharistie dans le Ciboire, symbole de la Nouvelle Alliance, se substituant à l'Ancienne.
 
En considérant le Temple peint comme le Temple de Salomon, les Tables de la Loi, le Calice en seraient les éléments principaux. Si ces Tables sont visibles, c'est que l'Arche a été ouverte pour en permettre leur révélation. L'Arche n'est pas visible sur la peinture. Seul la grosse boule rouge prête à confusion. Les visions d'Anne Catherine Emmerich donnent une signification possible, concrète et autre à cette "boule", de même qu'à la présence simultanée des Tables de la Loi et du Calice de la Cène dans le Temple de Salomon. Il est vrai qu'en considérant tous ces objets uniquemment comme des symboles, leur présence simultanée ne posent aucun problème et c'est ce à quoi, encore une fois, nous nous limiterons.

Le Décalogue

Les Tables du Témoignage sont d'identification sûre. "Lorsqu'il eut fini de parler avec Moïse sur la montagne du Sinaï, il lui remis les deux tables du Témoignage, tables de pierres, écrites du doigt de Dieu." Exode 31,18. La Loi est la liste des dix commandements donnés à Moïse sur le mont Sinaï. Ils s'appellent le Décalogue :
 
"I. Tu n'auras pas d'autres dieux en dehors de moi.
 II. Tu ne te feras pas d'image taillée, ni aucune figure de ce qui est en haut dans le ciel, ni de ce qui est en bas sur la terre, ni de ce qui est dans les eaux sous la terre. Tu ne te prosterneras pas devant elles et tu ne leur rendras pas de culte ; car moi, je suis Yahweh, ton Dieu, un Dieu jaloux qui punit l'iniquité des pères sur leurs enfants, sur la troisième et la quatrième génération pour ceux qui me haïssent, mais faisant miséricorde jusqu'à mille générations à ceux qui m'aiment et gardent mes commandements.
 III. Tu ne prendras pas en vain le nom de Yahweh, ton Dieu, car Yahweh ne laisse pas impuni celui qui prend son nom en vain.
 IV. Souviens-toi du jour du sabbat pour le sanctifier. Pendant six jours tu travailleras et tu feras tout ton ouvrage. Mais le septième jour est un sabbat en l'honneur de Yahweh, ton Dieu ; tu ne feras aucun travail, ni toi, ni ton fils, ni ta fille, ni ton serviteur, ni ta servante, ni ton bétail, ni l'étranger qui est dans tes portes. Car pendant six jours Yahweh a fait le ciel et la terre, la mer et tout ce qu'ils contiennent ; mais il s'est reposé le septième jour ; c'est pourquoi Yahweh a bénit le septième jour et l'a sanctifié.
 V. Honore ton père et ta mère, afin que tes jours durent longtemps dans le pays que te donne Yahweh, ton Dieu.
 VI. Tu ne tueras point.
 VII. Tu ne commettras pas d'adultère.
 VIII. Tu ne voleras pas.
 IX. Tu ne déposeras comme témoin mensonger contre ton prochain.
 X. Tu ne convoiteras pas la maison de ton prochain. Tu ne convoiteras pas la femme de ton prochain, ni son serviteur, ni sa servante, ni son boeuf, ni rien de ce qui appartient à ton prochain."

 
Les Tables de la Loi marquent l'Alliance entre Dieu et son Peuple (les Hébreux). On nomme aujourd'hui cette Alliance, l'Ancienne Alliance, par opposition à la Nouvelle établie par Jésus Christ, entre Dieu, son Père, et le genre humain (tous les hommes sans exception). Les Tables représentées sont donc le symbole de cette Ancienne Alliance. En termes d'Ecritures, cette Alliance se rapporte à tout l'Ancien Testament. Par contre, il n'y a aucune explication au fait que seuls soient bien visibles les numéros VI, VII, VIII des commandements. Le concepteur a-t-il voulu insisté particulièrement sur ceux-ci ? C'est peu probable. Placées derrière le Calice, s'il est bien présent, les Tables révèleraient la volonté de l'inventeur de l'image de marquer la prédominance de la Nouvelle Alliance (cf. plus loin) sur l'Ancienne.
 

Les Vertus Théologales

A l'arrière des Tables du Témoignage se trouvent l'ancre et la croix croisées en X. Elles forment une assise sur laquelle s'appuie le reste de la composition.
En écartant sa signification directe d'instrument de la Passion, mais en la considérant comme symbole, la croix est une image forte de la Foi Chrétienne. La croix représentée désigne ainsi une des trois vertus théologales. La croix trèflée, le ciboire (coupe avec l'ostie) ou le livre sont aussi utlisés comme symbole de la Foi. Les vertus théologales sont souvent représentées par des femmes tenant le ou les symboles de la vertu concernée.
La vie de tout chrétien est subordonnée au respect de certaines règles dont les dix commandements constituent une base. Les aptitudes et attitudes permettant de mettre en pratiques ces règles morales peuvent être réparties sur deux plans :
 
  venette
la Foi avec la croix, la Charité accueillant un enfant et l'Espérance avec son ancre

Les vertus théologales sont d'une approche moins aisée que les vertus cardinales et sont génératrices d'une progression spirituelle en suivant un chemin qui mène à Dieu, dont elles émanent. Elles induisent ainsi une notion "d'élévation", de "quête", tout-à-fait compatible avec la quête du Graal et la notion de Chevalier associée. Chacune des vertus repose ou se développe sur d'autres : dans le cas de la Charité (amour de Dieu et du Prochain), ce sont la Bonté, la Bienveillance et la Compassion. La Foi repose sur la Vérité et l'Espérance sur la Paix, la Patience. Elles correspondent aux enseignements du Christ signifiés par ses paroles : "En vérité, je vous le dis..." et "Que la paix soit avec vous". Enfin, pour terminer, les vertus ne se racontent pas, elles se vivent.

L'ancre est un symbole de stabilité, de sécurité. Par extension, selon l'épître aux Hébreux 6, 18-20 (attribué faussement à Saint Paul ?), elle devient le symbole de l'Espérance. Espérance dans la vie éternelle au Jugement Dernier... Une barque peut parfois aussi la représenter.
Le concepteur de la peinture a donc croisé en X deux des vertus théologales en fond de composition.
La troisième, la Charité, est souvent représentée par une nourrice, l'accueil d'enfants, la couleur rouge, le sang et le coeur (coeur flamboyant) qui lui est associé. Elle trouve peut-être à Palairac son expression dans le sang versé par le Christ pour la Rédemption de l'Humanité. Le fond de la peinture de couleur rouge pâle (rose) et le calice éventuellement dessiné, avec son sang non visible, symboliseraient cette Charité. Dans ce sens, le Saint Calice exposé pourrait bien être le Saint Graal qui aurait reçu, physiquement et directement, sans le sacrement d'Eucharistie, le sang de Jésus Christ. Comme il se doit, en tant que vertu sur laquelle les autres s'articulent et qui prédomine sur les autres, elle figurerait en fond et à l'avant-plan de la composition, au coeur de l'édifice.
Le Calice se doublerait d'une autre signification, elle-même mise à l'avant-plan : il marque la Nouvelle Alliance établie par l'institution de l'Eucharistie entrainant la Rédemption du Genre Humain et la promesse d'une vie éternelle par la Résurrection. Cette Nouvelle Alliance est révélée dans le Nouveau Testament.
Tout ceci bien sûr si ce calice est effectivement présent et non une illusion d'optique...
Si le calice n'existe pas, où se trouve la charité ?  L'a-t-on volontairement omise ?
La grosse boule suspendue à la croix est bien ronde et n'offre malheureusement pas la forme d'un coeur...
Mais peut-être que cette charité est seulement suggérée par le croisement des deux autres vertus (voir plus bas).
 
La Régénération ou réintégration d'avant la Chute

En bas de la peinture, enroulé et écrasé par tous les objets présents, l'éventuel serpent serait une allégorie du Péché Originel, du Mal qui a gagné l'Homme dans le Jardin d'Eden. Il y a aussi le mal qui le guette au quotidien et qui constitue les péchés qu'ils soient véniels ou capitaux. Cette lutte permanente entre le bien et le mal trouve probablement sa représentation dans les couleurs noires et blanches des colonnes du Temple.
 
En conséquence, et toujours par apport du Christianisme, qu'on y croit ou pas, ce Temple serait une allégorie de l'Homme (sans distinction qu'il soit homme ou femme). Son corps est le temple de l'âme, émanation du Père Céleste. L'agent spirituel anime la créature (la construction) comme l'oeil dans le triangle du tympan (*). L'Homme, par son âme, avec son esprit et son corps, a le libre choix entre le bien et le mal, entre les colonnes noires et blanches, piliers de son existence.
Le coeur, l'intérieur, du Temple montre la Voie qui lui est offerte pour transcender cette existence ici-bas (en dépassant le dualisme bien-mal).
 
En résumé, le ou les concepteurs de la peinture ont peut-être voulu représenté l'Homme, créature de Dieu, ses choix d'existence possibles et le but que la création lui a fixé pour qu'il retrouve la Paix des Origines en se "régénérant". Sa démarche, reposant sur la lutte contre le mal, par observance des Alliances, en passant par la pratique des vertus théologales, lui redonnera l'état Adamique qu'il a perdu par la Chute.
 
Vue ainsi, la peinture de Palairac est un paradigme étonnant d'une philosophie chrétienne et de son but de l'existence humaine (**).
 
Certaines particularités de cette peinture ne trouvent toutefois pas de signification dans cette interprétation religieuse, comme la numérotation hétérogène des Tables de la Loi, la petite boule rouge et ses ombres ou projections de la même couleur, ou encore la grosse boule rouge qui n'est ni une pomme, ni un coeur...
 
Il semblerait que cette philosophie et le mobilier d'époque baroque de l'église puissent être inspirés par la philosophie chrétienne de Jacob Böhme, théosophe allemand du début du XVIIème siècle (cliquer sur le lien pour le détail).
 
De même, et peut-être de manière plus proche encore, cette philosophie épouse parfaitement la vision d'un autre théosophe allemand, de la fin du XVIIIème siècle cette fois : Karl von Eckartshausen (***). Voici un court extrait de son ouvrage "La Nuée sur le Sanctuaire" (1802), qui traite du temple de la Divinité qu'est l'Homme :
"La véritable édification du temple consiste uniquement à détruire la misérable chaumière adamique, et à bâtir le temple de la divinité ; c'est, en d'autres termes, développer en nous le sensorium intérieur ou l'organe qui reçoit Dieu ; après ce développement, le principe métaphysique et incorruptible règne sur le principe terrestre, et l'homme commence à vivre, non plus dans le principe de l'amour-propre, mais dans l'Esprit et dans la Vérité dont il est le Temple."
 
Le Salut sans prêtre ?

On ne peut cacher que le message de la fresque, bien que fondé sur la religion chrétienne, est quelque peu "hétérodoxe" par rapport à la position de l'Eglise de Rome, au clergé détenteur unique des clés du Salut. Pour l'Eglise Catholique Romaine le Christ est mort sur la croix pour la Rédemption de l'humanité : en simplifiant, il a effacé le péché originel. Les actes et les péchés individuels, eux, seront jugés au Jugement Dernier. Pour la rémission des péchés et le Salut, pour l'Eglise Catholique Romaine, le passage par le prêtre est une obligation (sacrements, confession, etc.).
Cependant, la voie d'accomplissement symbolisée par la fresque marquerait la nécessité d'un travail sur soi, pour écraser et vaincre le péché originel, donc ignorant la Rédemption Universelle réalisée par Jésus Christ, et atteindre, apparemment dès maintenant, la réintégration promise aux Justes à la Fin des Temps. Ce serait une voie intérieure qu'on nous propose, qui permetrait de révéler, et faire aboutir, l'étincelle divine qui est en l'homme ou qu'il recevra par une juste préparation. S'il existe, le Calice dessiné à l'avant-plan, outre une possible référence à l'Eucharistie donnée par le prêtre (l'hostie étant toutefois absente dans la peinture), montrerait un Christ Intérieur à l'Homme et semblerait inciter à le recevoir directement, sans le secours d'un clergé. Si par contre le Calice n'est qu'une illusion d'optique, le caractère hétérodoxe de la peinture pourrait se révéler encore plus que pertinent, puisque sans référence apparente à un Jésus Christ (Dieu fait homme) ...
Selon Jacob Böhme, l'enseignement et les sacrements extérieurs ne sont valables que si celui qui les administre et celui qui les reçoit sont effectivement pénétrés de l'Esprit de Dieu. Dans son traité De la Régénération il s'exprime ainsi : "...Personne ne peut pardonner les péchés que Dieu : la bouche du prêtre n'a point la rémission dans la propre puissance ; L'Esprit du Christ l'a dans la voix de la bouche du Prêtre, pourvu qu'il soit lui-même un Chrétien..." "...Que si le prédicateur est un prédicateur mort... alors c'est le diable qui prêche, et c'est aussi le diable qui écoute ...[ dans ce cas] le monde est devenu une caverne de brigands, où il n'y a rien d'autre tant dans les prédicateurs que les auditeurs, que de pures moqueries, des injures, des medisances, des démèlés et des entrerongements pour la seule écorce. Mais dans le Saint Docteur (le prêtre digne de ce nom) c'est le Saint Esprit qui enseigne, et dans le pieux auditeur c'est l'Esprit de Christ qui écoute ..." "... le Saint a son temple en soi, où il entend et enseigne : mais la Babel a une amas de pierre, où elle entre pour faire l'hypocrite et paraître avec de beaux habits ..." "... Mais le Saint a son temple partout avec soi et en soi : car il marche et il s'arrête, il couche et il est assis dans son temple, il est dans la vraie église Chrétienne, dans le temple de Christ ..." "... Un vrai Chrétien apporte son temple dans l'assemblée : son coeur est le véritable temple, où on doit exercer le service divin ; quand j'irais mille ans au temple et toutes les semaines à la cène ; quand je me ferais donner tous les jours l'absolution ; si je n'ai pas Christ en moi, tout cela n'est que fausseté et une fiction inutile, un pur amusement Babylonique, et il n'y a point de pardon des péchés ..."
On pourra rétorquer que Jacob Böhme était protestant (ce qui n'est pas vrai : il avait eu une éducation protestante) et que les prêtres catholiques ne peuvent avoir ces défauts puisqu'ils ont reçu l'Esprit à chaque étape de leur ordination. Bien sûr un coup de "baguette magique" et les voilà exemptés de fournir tout effort ... Non, Böhme s'adresse peut-être principalement à eux.
La dernière phrase citée est très proche de celle de l'épître de Paul 1 Corinthiens, 13 : "... Quand je distribuerais tous mes biens en aumônes, quand je livrerais mon corps aux flammes, si je n'ai pas la Charité, cela ne me sert de rien...". C'est une phrase de Saint Paul souvent commentée pour défendre des positions théologiques parfois contradictoires.
La comparaison des deux phrases (celles de Böhme et de Paul) amène à penser que pour Böhme il semblerait que le "Christ" soit équivalent à la "Charité".
 
Une Charité pas habituelle ?

Et si la "Charité" envisagée dérivait du "charis" grec, χ́αρις, la Grâce, et non du "Caritas" latin. Le signe X (Xhi) formé par la Foi et l'Espérance représenterait cette "Grâce" ou "Charité".

"Qu'est-ce que la Grâce ?
C'est le fondement intérieur, ou le Christ, qui s'est réintroduit comme une Grâce dans le fond intérieur obscurci : tous ceux qui renaissent de ce fond intérieur, de Sophie ou de la Virginité céleste, deviennent des membres du Corps du Christ, et un temple de Dieu."
De l'élection de la Grâce, Jacob Böhme.

La charité envisagée ne serait pas la notion habituelle "amour".
Mais ce serait la Grâce ou Don de Dieu (le Christ pour Böhme). Le Protestantisme et le Jansénisme font de la Grâce un préalable à la notion de Salut et à la pratique des Vertus. Pour ces derniers, c'est Dieu seul qui choisit "l'élu".
Il semblerait cependant que le message de la fresque propose un travail sur soi qui prepare la réception de la Grâce. Le libre-arbitre humain pourrait ainsi intervenir et non Dieu seul.

Mais alors, si le calice n'existe pas dans la peinture et que la charis est symbolisée par le X de la croix et de l'ancre, où la notion chrétienne de charité-amour est-elle représentée dans la peinture ? Est-elle volontairement omise ?
Mais la Grâce n'est-elle pas l'Amour même de Dieu ?

S'il n'y a pas de calice pourquoi mettre en avant plan le Décalogue ?
Pour indiquer les règles éternelles de base, écrites de la main de Dieu directement, qui permettraient à l'Homme la mise en pratique des Vertus. Ce serait ses actes en rapport avec ces règles, ses oeuvres autrement dit, qui lui permettraient le Salut ou plutôt le retour à l'état d'origine. Il n'y aurait donc apparemment pas d'élément Protestant ou Janséniste dans cette peinture.
Dieu aurait placé dans le coeur de l'Homme les Vertus "surnaturelles" (Théologales) et lui aurait donné les règles associées (Décalogue). A l'Homme de les utiliser pour sa régénération.

Petite remarque pour terminer : contrairement à l'habitude dans une église chrétienne, hormis la statue en plâtre récente "Venez à moi", il n'y a (aujourd'hui en tous cas) aucune représentation de Jésus Christ dans l'église de Palairac (adulte, en croix, etc.) ****.

Seule la Vierge est mainte fois représentée avec l'enfant Jésus.
Une femme qui accueille un enfant... 
Et pour Jacob Böhme c'est aussi la personnification de la Grâce (voir la page sur Böhme).
 

Notes :

(*) Saint Paul ne dit-il pas dans 1 Corinthiens 3,16-17 : "Ne savez-vous pas que vous êtes un temple de Dieu, et que l'Esprit de Dieu habite en vous ? Si quelqu'un détruit le temple de Dieu, celui-là, Dieu le détruira ; car le temple de Dieu est sacré, et ce temple c'est vous." Jacob Böhme fait souvent référence à cette qualité de Temple de Dieu qui caractérise l'Homme.

(**) Que le Christianisme soit une vérité ou pas. Il a guidé les actes des hommes pendant plus de deux mille ans et c'est cette seule influence qui nous intéresse ici. Cependant le phénomène de la croyance en dieu peut être expliqué aujourd'hui par le fonctionnement de notre cerveau. Les "nouveaux états de conscience" que revendiquent certains devraient être tempérés par nos connaissances scientifiques. Dieu, ou d'une manière plus générale la "croyance", semble avoir été une nécessité et une "erreur" dans le cerveau de l'homme, mais il est peut-être grand temps de s'en débarrasser...
Le lecteur intéressé consultera le "Pour en finir avec Dieu" de Richard Dawkins.

(***) Probablement franc-maçon Karl von Eckartshausen (1752-1803) a, tout comme Jacob Böhme, intégré l'Alchimie à sa philosophie chrétienne, catholique, mais de manière beaucoup plus opérative...

(****) A-t-on voulu par là nier l'aspect humain de Jésus ou dire qu'il importe peu ? Les personnages ne seraient que des représentations de concepts spirituels. Le Christ du théosophe Jacob Böhme serait un "logos", la partie Sagesse éternelle ravie à l'Homme lorsqu'il a chuté. Le fait qu'il ait été un homme n'aurait aucune importance semble-t-il pour lui...