Symboles Chymiques ?

Ci-dessous les tableaux tirés du "Cours de Chymie" de Nicolas Lemery, donnant la signification des symboles ou caractères chymiques utilisés jusqu'au début du XVIIIème siècle.


Les symboles chymiques (et non proprement "alchimiques") désignant certaines substances ou opérations existent depuis très longtemps.
Depuis Lavoisier au XVIIIème, la chimie moderne naissante a petit-à-petit abandonné cette nomenclature pour en arriver à celle que nous connaissons aujourd'hui basée sur la théorie atomique et utilisée depuis la seconde moitié du XIXème.
Il ne faut pas croire que les alchimistes se soient servis de ces symboles de manière univoque pour désigner leurs substances.
Vous remarquerez ainsi que certains symboles correspondent à plusieurs matières ou opérations.
Sachant que Palairac se trouve au coeur de la région minière la plus importante des Corbières, où ont été exploités notamment fer, cuivre, plomb, antimoine, argent et un peu d'or, sur une période allant de l'Antiquité au XXème siècle avec une période intéressante autour des XVIIème et XVIIIème siècles, alors pourquoi pas, penchons-nous sur ceux qu'on pourrait retrouver dans l'église :

La boule crucifère et
la bille ou perle, entre le pouce et l'index de la vierge (petit cercle=or)
L'or qui serait symbolisé ici serait l'or philosophique, synonyme de soufre philosophique, soit la pierre nouvellement créée. Quant à la boule crucifère elle désignait le Cinabre ou la Stibine (nommée "l'Antimoine" à l'époque ; ce que nous appelons antimoine était pour les anciens le Régule d'Antimoine et pour les alchimistes "leur mercure" ou encore "leur eau mercurielle").

Le triangle (sur le pied)
et

la cornue ?
(Tabernacle style Empire du XIXème)
Le losange (résurrection du Christ),
aussi symbole de "l'Antimoine"
(la Stibine)
Le losange (résurrection du Christ),
aussi symbole de "l'Antimoine"
(la Stibine)

Léon Gineste nous a fait remarquer que la forme générale des motifs du caisson était le symbole du mercure *.

Le mercure n'est pas représenté seul dans les tableaux précédents (à ne pas confondre avec l'argent-vif). Vous trouverez son symbole à "mercure sublimé" notamment.
Souvent utilisé dans les textes, le mot mercure peut désigner plusieurs substances ou principes totalement différents : la volatilité peut être envisagée, l'aspect liquide, le caractère "contenant" de la substance, le rôle d'intermédiaire entre deux autres substances ou encore de dissolvant, ...
I.H.S lu à l'envers (S.H.I) signifierait Sulphur Hermes Ignis (le soufre, le mercure, le feu).
Certains disent que le soufre et le mercure sont régénérés par le feu. Chaque lettre possèderait aussi un correspondant numérique fixant la quantité de chaque substance.
Résultat de la conjonction des trois principes, le coeur avec les trois clous en-dessous (triangle avec trois flèches) représente le soufre philosophique mais aussi la lie de vin solidifée ou tartre (le tableau de Lémery donne un autre symbole pour le tartre).

(Speculum Veritatis, manuscrit début XVIIème, bibliothèque du Vatican)
Dernière planche, la réalisation de la poudre de projection :
Issu d'un "mercure", le Soufre Philosophique multiplié, ou Pierre Philosophale, est projeté sur l'or métallique, le transformant en un "mercure orienté par l'or", ou Poudre de Projection, capable d'opérer, par "projection", la transmutation en métal précieux des autres métaux. Cette "particularisation" de la Médecine Universelle vers le règne minéral la priverait de toute action dans les deux autres règnes.


L'agent envisagé permettrait la cuisson de la matière, représentée par la croix (crucis, la croix, a la même racine que crucibilis, le creuset, désigné dans les symboles par une croix). Les quatre branches de la croix représentent les quatre éléments par lesquels passe la substance. On retrouve aussi ce symbole du nitre dans la 1ère planche du célèbre Mutus Liber (page du titre).

Pas forcément, le mot salpêtre peut parfois seulement désigner dans leurs textes le sel de la Pierre ou sel qui sert à la cuisson de la Pierre. Le salpêtre de houssage, dans ce cas, n'est peut-être d'aucune utilité. Les caractères chymiques étaient souvent utilisés par les alchimistes en tant que symbole et non pour désigner directement une substance. Dans cette optique, à Palairac, le concepteur de l'inscription aurait pu aussi mettre le cercle avec une barre horizontale, désignant le sel commun, si bien sûr, son intention était de représenter un symbole chymique.
Mais il est vrai que le nitre fut utilisé par de nombreux alchimistes. Toutefois le salpêtre n'interviendrait pas dans toutes les voies "alchimiques", en réalité toutes aussi chimériques les unes que les autres. La voie du "Cinabre" utiliserait par exemple un autre "sel"...
Depuis le début du XVIIème siècle beaucoup d'alchimistes ont travaillé sur l'antimoine dont l'extraction se faisait à partir de la Stibine, un de ses principaux sulfures. L'opération mettait en oeuvre la Stibine en poudre fine, de la limaille de fer et du salpêtre comme fondant. Plus exactement un des fondants : la plupart du temps les alchimistes mélangeaient en proportion égale salpêtre et tartre (des tonneaux) purifiés et traités à l'eau de rosée.
Ils croyaient effectivement que la rosée, exposée au rayonnement lunaire du printemps, était chargée du Spiritus Mundi, agent "vital" des "mutations" sur Terre. C'était là leur "principe caché", appelé aussi nitre céleste, similaire à l'Esprit Saint ou la Grâce de la Religion, que l'antimoine métal (le régule) pouvait attirer directement et capturer lors de sa solidification. C'est pourquoi persuadés de l'existence de ce "nitre céleste" et de la réalité de ce "magnétisme", en essayant "d'unir les forces d'en haut avec celles d'en bas", ils réalisaient l'opération du régule d'antimoine martial sous les auspices d'une lune croissante de printemps, après avoir soumis leur stibine à une lente digestion de 40 jours à feu doux dans la rosée, toujours au rythme des phases de notre satellite. On peut voir dans la 1ère planche du Mutus Liber une représentation du contenu du moule conique après refroidissement : la partie noire au-dessus (ciel = scories) et la partie brillante en-dessous (antimoine), toutes deux marquées, surtout la partie basse, du signe du nitre...
Mais en réalité, la diminution de la densité de l'antimoine lors de son passage à l'état solide (propriété de gonflement) et "l'étoile" dont il s'orne n'ont rien à voir avec l'absorbtion d'un hypothétique "Esprit du Monde" et ces croyances d'une autre époque...
A noter que d'autres "métaux" gonflent en se solidifiant : le Bismuth (aussi utilisé par certains alchimistes à partir de son sulfure, "antimoine femelle") ou le Gallium... **
Une erreur placée volontairement dans un texte serait selon certains une technique pour attirer l'attention du lecteur sur un sens second ou autre que l'habituel.

Sans affirmer ou penser le moins du monde que "l'énigme de Rennes-le-château", si énigme il y a, soit de nature alchimique, deux erreurs faites par l'abbé Henri Boudet sont pour le moins troublantes. Sur la pierre tombale de l'abbé à Axat se trouve un petit livre en relief, fermé, dont la couverture porte le mot ICHTUS écrit verticalement en lettre grecque (IXQYS) : Jésus Christ, Fils de Dieu, Sauveur. (le Y ressemble aujourd'hui a un I, mais des photos anciennes attestent sa présence).
Cependant il y a une faute d'orthographe : le théta au lieu d'être un cercle avec une barre horizontale est juste un "cercle" (IX0YS). On attire donc notre attention sur ce cercle avec une barre horizontale (qui est manquante), symbole du sel commun ou du sel en général. (A noter que lu à la verticale comme présenté sur le petit livre ce symbole correspondrait au salpêtre...) Il convient donc de mettre un grain de sel à la lecture du titre de ce petit livre. L'abbé Boudet (ou bien Edmond, son frère, mort avant lui) nous livre (le livre) le sel (le cercle barré) sur le titre (IX0YS écrit sur la couverture) par une erreur ("cercle" pas barré, un o majuscule). Bien évidemment le livre concerné est son ouvrage "La vraie langue celtique et le cromleck de Rennes-les-bains". En conséquence, l'abbé Boudet nous livre le sel dans le titre de son ouvrage par une erreur d'orthographe ***... A chacun de terminer, car pousser plus loin serait donner la solution ;-) ... L'honorable curé de Rennes-les-bains a-t-il voulu que le lecteur arrive à cette conclusion ? Non, certainement pas. Cependant si cela avait été le cas, cela en aurait fait un personnage "charitable" pour donner, en utilisant son "petit langage", le nom moderne, déjà connu de son temps, d'un "agent des plus cachés par les auteurs anciens". Mais, répétons-le, l'humble prêtre n'était pas alchimiste ****, ni aucun protagoniste de la soi-disante "affaire".
Quoiqu'il en soit, pour ce qui concerne la pierre de Palairac, ce petit jeu permettra peut-être au lecteur de "partir sur une bonne base"... ;-)) Fermons la parenthèse.
Il se pourrait donc que l'erreur de la pierre de mission de Palairac n'ait pas été une erreur de "frappe" mais une volonté délibérée de marquer un symbole particulier, un phi peut-être (nombre d'or) ou, pourquoi pas, le signe du salpêtre, alors bien moins utilisé (en 1859), dans un endroit éventuellement dédié à l'hermétisme, afin de compléter les symboles moins explicites de l'intérieur de l'église, réalisés, eux, à une époque (XVIIème) où leur utilisation était beaucoup plus connue et relativement proscrite (sous Colbert ou Richelieu par ex., "l'alchimie", ou plus exactement la "fabrication de l'or", n'était pas vue d'un très bon oeil)...
Notes :
* Voir le blog de Léon Gineste parlant des colonnes mercurielles en cliquant ici
** Toutefois, autant pour l'eau la forme de la molécule permet d'expliquer pourquoi la glace prend plus de volume que l'eau liquide, autant cette explication ne peut concerner les atomes de Sb, Bi ou Ga...
*** L'abbé Boudet a écrit la lettre k à la place de la lettre h dans le mot cromlech. Mais cette écriture "cromleck" se rencontrait de temps en temps à l'époque...
**** Il est vrai que la toponymie de la région : blanque, sals, "bains de la reine", etc. a pu inciter certains à y voir une connotation alchimique... mais les prêtres du Razès sont étrangers à tout cela.
Cependant, à titre d'information, on ne peut cacher que cet abbé Henri Boudet connaissait probablement les mines de Palairac et ses environs.
En effet le créateur de la Forge catalane de Quillan (forge basée sur le principe ancestral du bas fourneau), Jean-Joseph de Varnier, fin du XVIIIème, s'alimentait principalement en minerais de fer au plateau de Lacamp (Palairac, Villerouge). Ses successeurs ont continué (Maréchal Clauzel et famille de La Rochefoucauld). Le père d'Henri Boudet, Pierre-Auguste, mandataire en 1837 de François Denis Henri de La Rochefoucauld, fut régisseur de cette Forge de Quillan. Il faisait probablement de fréquents déplacements sur les zones d'extraction.
Il est à noter que le grand-père de François Denis Albert de la Rochefoucauld, Jacques Louis, fut "grand maître" du Rite Ecossais Philosophique en 1776. Il participat aussi à la rédaction du rituel du 18ème grade de Chevalier Rose-croix du REAA. Le Rite Ecossais Philosophique, entièrement orienté vers l'Alchimie, aurait été créé en 1776 par un disciple de Antoine Joseph Pernety (les "illuminés" d'Avignon), le médecin Boisleau, au sein de la Loge du Contrat Social, anciennement Loge de Saint Lazare. (Mais le rituel de cette loge pourrait ne pas être le Rite Ecossais Philosophique, pas plus que fondée par Boileau : http://www.ledifice.net/3094-D.html)
L'abbé fut donc, dans son enfance (jusqu'à près de 5 ans), imprégné d'une éducation liée à la métallurgie certes rationnelle, où toutefois l'industrie sidérurgique naissante laissait encore place à des conceptions anciennes du travail des métaux (bas fourneau), mais aussi peut-être "insolite" par son père au contact de la famille La Rochefoucauld à la culture "alchimique" probable...
Faut-il s'étonner dès lors que l'abbé Boudet ait possédé quelques "teintures de Science" et qu'au chapitre VI de son "Cromleck", à la suite des tableaux d'analyses des bains de Rennes, il s'exprime ainsi : "Cette analyse, en dévoilant les principes minéralisateurs des eaux thermales ferrugineuses de Rennes, nous dit-elle les effets qui vont se manifester à la suite de leur usage ? Assurément non. On a extrait par l'analyse les éléments constitutifs des eaux, les obliger à prendre des combinaisons qui soient connues et qu'on puisse aisément distinguer. Avant leur séparation forcée, qu'elle était la combinaison réelle des acides des bases dans ces eaux minérales, quel principe secret leur donnait l'efficacité remarquée en elle ?".
Parmi les "chercheurs" de Rennes-le-Château, qui s'est soucié de la question suivante :
Son père mort alors que le très jeune Henri Boudet n'avait pas 5 ans, qui s'est chargé réellement de son éducation, de celle de ses frères et soeurs, et qui a subvenu aux besoins de la famille ? (outre, pour partie, le curé "Emile de Cayron" comme l'affirme sans preuve Pierre Plantard dans sa préface à "La Vrai Langue Celtique" ; préface qui, dit en passant, est de prime abord d'une qualité plus que douteuse ...)
