Un passé minier quasiment inconnu

Les mines de Palairac et des environs furent l'objet de conflits entre les seigneurs de Termes et l'Abbaye de Lagrasse au Moyen-âge (pour en savoir plus Historique ). Le 18 août 1283, le Roi de France et le Roi de Majorque sont venus signer un traité à Palairac concernant la baronnie de Montpellier, alors que la veille ils signaient un autre traité à Carcassonne, pour être à Toulouse trois jours plus tard... Il se peut que la véritable raison de ce déplacement à Palairac soit la visite des mines et leur future cession au Roi de Majorque ou encore un "paiement en nature", comme contrepartie de la part de Philippe le Hardi (pour en savoir plus analyse des traités ).

Palairac se trouve au centre de la plus importante région minière des Corbières. Le plateau de Lacamp et le Monthaut étaient les sites majeurs de cette zone. Les ingénieurs du XIXème ont recensé près de 300 lieux d'extraction uniquement sur Palairac.
L'essentiel de ses mines se trouve en deux zones limitrophes des communes voisines :
- Serremijanes et Las coupes, au Nord, sur le plateau de Lacamp, débordant sur Villerouge, Talairan,
- Peyrecouverte, à l'Ouest, débordant sur Maisons, Davejean.
- La Caune des Causses et de Monthaut, L'Abeilla...
- La Bousole, l'Aiguille, Lacanal...
Seront présentés dans un premier temps les sites de Peyrecouverte. L'endroit était aussi appelé autrefois "Le Mont d'Or". On a pu extraire une certaine quantité d'or des sites de La Bousole et de l'Aiguille, considérées par tradition comme mines d'or. En effet, des échantillons entre le début XIXème et 1963 ont donné des teneurs variant de 0,04 g/t jusqu'à 32 g/t sur minerais bruts. Pour info le taux moyen de la mine de Salsigne était autour de 8 g/t. La Canal, aussi considérée comme mine d'or, semble en avoir fourni, elle, des quantités infimes.
Les mines de la Bousole, l'Aiguille et La Canal (Peyrecouverte)
La Bousole

Composé essentiellement d'Antimoine et de Plomb avec un peu d'Argent et d'Or, le minerai (Zinkénite et Stibine) a fait l'objet d'exploitation assez importante entre le début du XIXème et la deuxième Guerre Mondiale.
Les travaux plus anciens, à l'existence probable, ne sont plus connus (sauf la fin XVIIIème). Vers 1839 on installa sur le carreau de la mine des bâtiments comportant notamment un atelier de prétraitement du minerai : en effet la séparation de l'antimoine et du plomb n'était pas facile et un procédé spécial avait été créé.
Le produit prétraité était acheminé par mulets et charrettes jusqu'à Carcassonne où Paliopy (un des concessionnaires) terminait le traitement.
Plus tard, en 1939, Roger Hyvert fit de même en installant une usine de traitement de l'antimoine venant de la Bousole et Las Corbos (à 1500 m dans Maisons) à quelques pas sur le carreau de la mine de La Canal (voir plus loin).
L'antimoine a la particularité, comme l'eau, de se dilater en se solidifiant. On l'utilisait jadis notamment pour faire les caractères d'imprimerie.
En 1982, au terme de la concession de Mr Hyvert et lors de la création de l'adduction d'eau du village de Palairac depuis la mine de La Canal, tous les travaux miniers ont été mis en sécurité : comblement des galeries et des puits, démolitions des bâtiments, ...
Le puit de la bousole, comblé en 1982, réapparait aujourd'hui par tassement des remblais.
L'Aiguille

En 1982, suite aux travaux de mise en sécurité consécutifs à la création de l'adduction d'eau de La Canal, le puit vertical a été bouché par une dalle en béton et la galerie de travers-banc comblée par un talus de terre. Affaissé, ce talus présentait aujourd'hui un danger, il a été enlevé et remplacé par une grille.


La Canal


Bien plus tard (1939) une petite usine de traitement des minerais antimonieux de Las Corbos (Maisons) et la Bousole a été installée au même endroit. Il n'en subsiste pas grand'chose : quelques piliers de soutènement et la cabine d'EDF. Un decauville de 1500 m aurait dû permettre d'amener le minerai de Las Corbos au site de traitement, mais tous les travaux, même ceux que nous verrons pour la concession de la Caune des Causses, ont été abandonnés pendant la deuxième guerre mondiale.
Au XVIIème Siècle César d'Arçon décrit une mine de plomb argentifère qu'il dit être sur le territoire de Davejean. Personne n'en est sûr, mais c'est possible. Il se peut aussi que ce soit l'Aiguille. En effet, il décrit les mines de plomb argentifère de Couize en les situant correctement : "... à Paleyrac, où les grands travaux qu'on y a fait autrefois dans vn long valon nommé le champ des mines ...", mais en précisant : "...où Monfieur de Davejan à qui le fond en appartient ...". Mahul (Cartulaire et archives des communes de l'ancien diocèse et de l'arrondissement administratif de Carcassonne, 1859) rapporte, lui, à son chapitre sur Davejean ces deux descriptions de d'Arçons, en disant qu'elles appartiennent toutes deux à Davejean. C'est très inexact, tout au moins pour la seconde. Couize, donc les mines d'argent associées, La Canal, l'Aiguille, etc. a toujours été sur le territoire de Palairac (arrière-fief de celui-ci). Toutefois, du temps de César d'Arçon, qui l'avait bien compris, la Seigneurie de Couize était tenue par la famille de Barre, de Davejean, anoblie par Louis XIV en 1686 (Jean-François de Barre, chevalier de l'Ordre de Saint Lazare), qui l'avait achetée à l'Abbaye de Lagrasse 1ère moitié du XVIIème. André II de Barre était donc propriétaire du terrain de la mine. Mahul aurait dû consulter le cadastre de 1825 pour se rendre compte de son erreur, peu pardonable pour un élu du Département.
Idem pour La Bousole que certains voient à Maisons : en limite certes, elle se trouve bien sur Palairac, le puit et la descenderie notamment. Plus grave, d'autres, rédacteurs à la SESA notamment, situent aussi l'Aiguille ou La Canal sur Maisons, ou encore le Monthaut sur Villerouge (!) : une simple consultation d'une carte IGN ou du cadastre permet d'éviter ce genre d'erreurs. Mais il est vrai que quelques installations de 1839 de la Bousole pouvaient être sur Maisons (la halde principale et peut-être l'entrée du travers-banc). La mine doit donc être considérée comme appartenant aux deux communes (la concession de la Bousole occupait 37 Ha répartis sur les deux communes). Il en est ainsi de toutes les mines limitrophes (la Caune des Causses, par ex, servait de limite de séparation entre Palairac, Félines et Davejean). Au moyen-âge la seigneurie minière du Termenes, basée à Palairac, regroupait , outre Palairac, les sites miniers de plusieurs villages voisins. Rendons donc à Palairac la place qui lui appartient ...
Deux ou trois petites particularités sont attachées à la galerie de Lacanal :
- à 220 m à l'intérieur une croix est gravée dans la paroi,
- des raynures sur les parois à l'entrée permettaient de placer une fermeture amovible destinée à noyer complètement la galerie sur toute sa hauteur,
- enfin, juste avant l'actuelle grille qui ferme l'entrée se trouvent les feuillures, l'emplacement des gonds, l'emplacement de la barre de fermeture d'une porte qui ne pouvait s'ouvrir et se verrouiller que de l'intérieur.
Les anciens du village rapportaient une légende à propos de la galerie. Dans les années 1660, Louis XIV serait venu visiter la mine de Lacanal. Il serait rentré dans la galerie à cheval jusqu'à un lac souterrain (endroit où la galerie descend et est noyée) où il aurait jeté une pièce d'or. Il aurait ensuite visité le village et, pour remercier les habitants de leur hospitalité et faire pardonner les dégâts causés en 1655 par son armée de passage à Palairac, il aurait offert le mobilier de l'église Saint Saturnin.
Les mines de la Caune des Causses - Monthaut et l'Abeilla (Peyrecouverte)

L'essentiel des travaux consistent en d'énormes barrencs (ravins) pouvant dépasser les 50 m de profondeur (c-à-d des exploitations à ciel ouvert). On trouve aussi bien souvent, pour continuer l'exploitation, certaines recherches sous forme de galeries ou descenderies.


Perdu dans la végétation, le site est particulièrement dangereux (ravins, puits, galeries,...)

Enfin, pour terminer cette présentation des mines de Peyrecouverte, un mot du site de l'Abeilla. Il est situé au pied du Monthaut. Quelques vestiges de départ de cavités sont encore accessibles. L'exploitation y fut très ancienne (Cu, Pb, Ag) : Gauthier Langlois (voir Bibliographie ), dans le cadre de sa thèse de Maîtrise sur les Mines des Corbières en 1986, a retrouvé des fragments d'amphores de type Dressel 1A donnant une datation du 1er siècle avant JC. Une cavité d'exploitation très ancienne, ressemblant à un véritable gruyère, recèle une quantité importante de ces fragments d'amphores. Le site de l'Abeilla communique peut-être avec celui de Lacanal et en aurait constitué un des départs. Contrairement aux sites précédents celui-ci a surtout été exploité dans le passé et pas à une époque récente. Les anciens y recherchaient certainement surtout l'Argent. Elle devait aussi faire partie des mines convoitées au Moyen-âge par les Seigneurs de Termes et l'Abbaye de Lagrasse.
Des études en cours (2010) vont peut-être montrer que les métaux transformés et écoulés par les Gaulois dans les ports méditéranéens au profit des bateaux Grecs ou Romains, venaient notamment d'ici ou tout au moins de cette région des Corbières...
Les mines du plateau de Lacamp : concession Serremijanes et Las Coupes


On comptait pas moins d'une soixantaine de sites d'extraction dans le périmètre (170 Ha) de la concession. La plupart du temps à ciel ouvert, certains sites consistaient en des cavités de type karstiques peu profondes, véritables grottes naturelles remplies de minerai. On comptait aussi quelques travaux sous forme de galerie d'époque plus récente. 90 % des sites ont subi la mise en sécurité. Elle consiste, malheureusement, en la destruction pure et simple des travaux miniers : comblement des fosses, des puits, effondrement des entrées de galerie, ... Quelques sites, jugés dignes d'intérêts archéologiques, ont cependant été conservés. Toutefois, l'accès aux cavités ou aux galeries a été rendu impossible par la création d'un mur en béton ... d'un mètre d'épaisseur, armé avec des barres pouvant atteindre 20 mm de diamètre...
La Cauna de Mathieu Rieu (nom attribué par Gauthier Langlois, suite à ses recherches)


La mine 'noyée', le Caraillet ?

"La montagne de Las Coupes, séparée au Sud de celle de Serremijanes par un ruisseau est réputée riche en mine de fer et c'est avec raison ; Mr de Varnier y a exploité à peu près seul ; l'exploitation principale appelée le Grand Minier a été poussée à une assez grande profondeur vers la base de la montagne sur le revers opposé Nord; cette exploitation que je n'ai pu voir, passe pour avoir été une des plus considérables du pays ; le minerai en était considéré comme le meilleur et le plus facile à traiter de l'arrondissement ; l'affluence des eaux a occasionné l'abandon de cette minière..."


Comme très souvent, l'exploitation est partie d'une ou plusieurs cavités naturelles dans lesquelles des travaux de recherches, par percement de galerie, ont permis de suivre, ou de retrouver, le filon en donnant accès à d'autres cavités. L'ensemble de ces vides souterrains sont issus à la fois du travail de la nature et du travail de l'homme. Le Grand-Minier (voir ci-dessous) communique très certainement avec ces travaux situés à sa base.
Le Grand-Minier



La cauna d'Azalbert ?

Une étude, de mise en sécurité de certains sites non effectuée en 2001, est en cours de réalisation. Elle a permis de retouver une cavité démarrant à flan de colline par un orifice de 4 m de large sur 15 à 20 m de long et pénétrant verticalement à une profondeur d'au moins 100 m. A mi-chemin, un travers-banc a été creusé qui démarre au niveau du lit du ruisseau et rejoint une cavité large, servant de départ à plusieurs galeries ou fosses naturelles se développant vers le bas. Cette cavité est le siège d'une nombreuse population de chauves souris. A ce propos, lors des travaux de mise en sécurité, certains sites, jugés utiles comme habitacles de certaines espèces, ont subit une obstruction par le mur de béton dans lequel des ouvertures, au niveau du sol (pour les rampants ou non volatiles) ou en hauteur (pour les autres), ont été pratiquées pour laisser le passage à la faune concernée.
Le site découvert est encore un ensemble de fosses naturelles et de travaux faits de main d'homme destinés à exploiter au mieux le minerai s'y trouvant. Un galerie horizontale traverse à un endroit une cavité naturelle avec de surprenantes concrétions calcaires dues aux eaux de ruissellement. Pour quelques mètres, cette mine n'est pas située sur le territoire de la commune de Palairac mais celle de Villerouge-Termenès.


Mise en sécurité des Mines (ajout de février 2009)
La mise en sécurité des mines de la concession orpheline de Serre-Mijane et Las Coupes est en voie d'achèvement.Une concession est dite orpheline quand, à l'issue du temps de concession, le titulaire a disparu, est défaillant ou inconnu. La compétence de l'Etat s'exerçant en pareil cas, celui-ci est seul maître des opérations qui s'inscrivent dans le cadre d'un programme du ministère de l'Industrie. C'est en 1997 qu'a débuté l'étude du BRGM (Bureau de Recherches Géologiques et Minières) pour la mise en sécurité , demandée par la DRIRE (Direction Régionale de l'Industrie, de la Recherche et de l'Environnement) Languedoc-Roussillon. Cette première étude s'est concrétisée en 2001 par des travaux sécurisant la majorité des endroits de la concession estimés dangereux.
Ces travaux, destructeurs, reposent sur le foudroyage de l'entrée des galeries, le dynamitage des parements des fosses, l'utillisation du brise-roche et du bulldozer. Rappelons que quelques cavités, jugées d'intérêts archéologiques par la DRAC (Direction Régionale des Affaires Culturelles) n'ont pas subi cette mise en sécurité destructrice mais ont reçu le mur de béton empêchant tout accès.
La plupart des photos précédentes de cette page, réalisées au cours de l'étude complémentaire de 2008, concerne les quelques sites non mis en sécurité en 2001 et qui viennent de l'être, mais de manière différente.
L'objectif était de traiter ces sites sans les détruire. Ils font bien évidemment partie des lieux protégés par avis de la DRAC. Les rares galeries à sécuriser ont reçu le traditionnel mur de béton. Les barrencs et entrées de fosse ont été garnis de filets métalliques à mailles de 25 cm x 25 cm et de 12 mmm d'épaisseur. Une entreprise spécialisée dans les travaux d'accès difficiles est intervenue compte tenu de l'aspect accidenté du terrain.
Ces travaux sont évidemment beaucoup plus chers que ceux réalisés en 2001.
Seul l'intérêt archéologique des sites a fait qu'ils ne soient pas purement et simplement détruits. Toutefois cette méthode à filet permettrait, en la généralisant à d'autres endroits, d'éviter de perdre des témoignages de notre histoire qui remontent parfois à l'Antiquité.



